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Bleu comme une orange

Norman Spinrad ( Auteur), Roland C. Wagner (Traducteur), Benoît Munoz (Illustrateur de couverture)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 31/05/04  -  Livre
ISBN : 2290325775
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Eric   - le 20/09/2018

Bleu comme une orange

Norman Spinrad nous avait laissé sur notre faim, avec son Printemps Russe, imposant pavé, très américain… trop américain ! Il revient cette fois au mieux de sa forme, avec un roman très parigot. Un de ces romans blitzkrieg dont il a le secret, troussé à la manière d'un Jack Barron et L'Eternité. C'est donc vous dire à quel point Norman Spinrad est en forme !

Lorsqu'en cette fin de XXIème siècle, l'ONU, décide de monter à Paris sa sixième Conférence Annuelle pour la Stabilisation du Climat, les observateurs le plus avisés ne manquent pas de s'en étonner. La CONASC n'est qu'une pantalonnade, au mieux destinée à donner aux derniers reliquats de souverainetés nationales un semblant de bonne conscience. Ruinée, l'ONU n'a guère les moyens de s'offrir les luxes de la ville-lumière et de profiter de la clémence gentiment tropicale de son climat.

Des alligators à Paris

Il faut dire que le réchauffement planétaire a transformé Paris en une douce gourmandise touristique. On y coule des heures insouciantes, au rythme paresseux de la Seine. Aussi paisible en somme que l'un des milliers d'alligators qui en infestent les bords. Naturellement, à la grande loterie Verte, tout le monde n'a pas eu cette chance. Certaines régions du monde sont devenues des enfers invivables… où pourtant il faut bien vivre. Monique Calhoun est payée pour le savoir, elle qui est citoyenne-actionnaire de Panem & Circenses, le plus grand consortium souverain de R.P au monde. Elle vient de permettre à une grosse société d'ingénierie climatique de vendre à la Libye un coûteux projet d'irrigation. Un coup de maître qui va lui valoir la direction VIP de la CONASC.

Arrivée à pied d'œuvre, elle va très vite s'apercevoir que la Conférence est peut-être la dernière chance de sauver la terre de ce que les climatologues appellent "la Condition Vénus", à savoir le réchauffement ultime de son atmosphère ; ce qui rendrait impossible le maintient d'une quelconque forme de vie à sa surface.

Un bonheur de lecteur...

On le voit, comme pour Jack Barron, Spinrad n'a pas lésiné sur le grandiloquent de la question dramatique. Et s'il s'aventure à son tour sur le terrain de la prospective environnementale - qui semble attirer nombre de ses plus éminents collègues ces derniers temps - c'est encore une fois pour s'en prendre à la cupidité et à la soif de pouvoir de ses semblables.

Lorsque l'auteur prend si visiblement plaisir à écrire son roman, lorsque le traducteur - Roland C. Wagner himself s'il vous plaît - prend lui aussi un plaisir évident à faire son boulot, le lecteur va à son tour prendre un immense plaisir à se plonger dans ce jeu de faux-semblants brillant. Bleu Comme une Orange nous emmène à la rencontre de personnages plus grands que nature. On se prend à croire à ce Paris tropical, que Spinrad nous fait visiter comme si nous étions des touristes américains. Etrange vaudeville mortel, gambit planétaire boulevardier, drôle et qui fait mouche. Entre un Prince de pacotille qui a, comme tout le monde, acheté son titre au rabais à la famille Grimaldi, des milliardaires sibériens plus texans que des princes arabes, un agent du Mossad à louer, un trafiquant Colombien honnête et d'affreux capitalistes plus cons que les vrais, on rit jaune. Avec l'âge, la sagesse devrait-on dire, la colère de Norman Spinrad s'habille d'ironie cynique, mais elle ne perd rien de sa virulence.

Le mieux finalement n'est peut-être pas d'avaler cette orange bleue, mais de la piquer de clous de girofle, et de la garder pour parfumer sa réflexion d'un peu d'intelligence. Ça ne fait jamais de mal.

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