Mondes et Démons
Ecrivain, Juan Miguel Aguilera est un des chefs de file du renouveau de la science-fiction espagnole. En France, il a tout de suite été remarqué par les éditions Au diable vauvert. Ainsi, La Folie de Dieu a été son premier roman traduit en France. Ce livre mi-historique, mi-fantastique très remarqué, a remporté le Prix Imaginales et le prix Bob Morane en 2002. Et Juan Miguel Aguilera est également un très bon auteur de science-fiction. Après Les Enfants de l'éternité (livre co-écrit en 2001 avec Javier Rédal), il revient avec un autre roman mélangeant space opera et hard science : Mondes et Démons. Un roman qui serait une sorte d'hommage à d'autres space opera tel que Marée stellaire de David Brin.
"La Sphère est beaucoup plus qu'une oeuvre d'ingénierie, c'est un miracle biologique"
L'humanité est toujours à la conquête de plus de territoire. Dans le monde d'Akasa-Puspa, l'Empire et la Utsarpini, deux puissances rivales, découvrent la Sphère, une structure immense composée de planète, d'un soleil et protégée par une sorte de couronne d'arbres géants adaptés au vide. Ils décident d'envoyer des hommes pour dévoiler le mystère qui règne autour de cet amas. Mais les hommes ne sont pas les seuls à convoiter de nouveaux mondes, les Angriffs, race extraterrestre se nourrissant de chair humaine et surnommée les démons, décident de faire route vers la Sphère.
"La torture est indigne autant pour celui qui souffre que pour celui qui l'applique. Elle ôte sa noblesse à la mort."
Mondes et Démons est un bon space opera car Juan Miguel conte admirablement bien ses histoires. Il sait capter l'attention du lecteur et une fois que vous êtes dans les mailles de son filet, c'est trop tard pour s'en réchapper. Cet auteur attache énormément d'importance à son décor et à ses personnages. Il les travaille, les peaufine. Si l'intrigue passe souvent sur un plan secondaire, tout le reste prend le dessus. Ainsi, Juan Miguel Aguilera développe des races extra-terrestres, imagine des mondes. Il crée leur société, leur culture, leurs moeurs... puis imagine les conflits politiques, les guerres, les alliances qui découlent de leurs comportements, de leur façon de penser. Ainsi, l'univers de Juan Miguel Aguilera est extrêmement fignolé, fouillé et passionnant.
Dans ce nouveau roman, l'auteur décrit une sphère étrange peuplée entre autres par les Apiculteurs, êtres (de lointain descendants de l'homme) adaptés à l'espace et au vide, ou encore par les Juggernauts, animaux voyageant dans l'espace et dans lesquels vivent des êtres humains. Une sphère également menacée par des hommes en quête de territoire, par des Angriffs, race au comportement barbare selon l'homme. Ces extra-terrestres cherchent à conquérir des territoires, n'hésitant pas à tout détruire sur leur passage. Ils ont une culture bien particulière de prédateur : "Le chasseur trouillard mange du charognard !". Mais, au fil du roman, on se demande si l'homme n'est pas un démon au même titre que les Angriffs, distillant destruction, violence et guerre. "Les démons que leurs esprits enferment et qui les poussent à s'affronter les uns les autres dans des guerres sans raison..."
Ce roman est riche en idées. Certes, beaucoup sont empruntées à d'autres auteurs comme David Brin, Orson Scott Card, John Varley... Ainsi, on retrouve un dauphin intelligent pilote spatial, une race extra-terrestre fonctionnant comme les insectes... Tout comme l'était Les Enfants de l'éternité, ce roman est réussi, mais possède encore quelques défauts. Entre autres, une fin qui n'en est pas vraiment une, des personnages que l'on suit au fil des pages sans savoir pourquoi et qui meurt tout d'un coup (on comprend aisément qu'ils servent uniquement de support au décor)... Mais si Juan Miguel Aguilera réussit à estomper ces défauts, à mieux travailler son intrigue, son prochain space-opera risque d'être une petite merveille dans le monde littéraire de la science-fiction.