Né avec les morts

Né avec les morts

Robert Silverberg est un grand parmi les grands. Né en 1936 il a marqué de son empreinte l’Histoire de la science-fiction avec quelques chefs d’œuvres comme Les Ailes de la nuit, Les Monades urbaines, L’oreille interne et quelques autres. Un vrai talent doublé d’une formidable productivité. Il a signé des dizaines de romans et des centaines de nouvelles. Né avec les morts est en fait un recueil composé de 4 novellas rédigées à des périodes différentes mais évoquant toutes la mort.

Le recueil s’ouvre avec La Vallée hors du temps. Ecrite en 1957, elle évoque une étrange vallée dans laquelle 8 personnages, humains et extraterrestres se retrouvent sans vraiment l’avoir voulu. Ils ne se connaissent pas et pourtant tous vivent la même expérience. Ils ont été emmenés de force dans cet endroit et vont devoir s’unir pour tenter de sortir de ce lieu où ils ne peuvent mourir.

Avec cette nouvelle, Robert Silverberg nous livre un texte essentiellement tourné vers l’aventure et les rapports entre les personnages. La qualité de l’écriture est là. On regrettera juste un manque de background et d’explications sur les raisons d’être de cette vallée. Dommage mais pas désagréable.

Deuxième texte, Partir. Dans un futur proche, les progrès de la médecine permettent à chacun de prolonger sa vie au delà du siècle et de choisir le moment de sa mort. C'est ce que décide le héros de cette nouvelle. A 135 ans, il estime temps pour lui de tirer sa révérence à la stupeur de ses proches qui le trouvent encore un peu jeune pour se diriger vers son suicide. Il rentre alors dans une maison de retraite pour y vivre ses derniers mois. Partir est un texte écrit en 1970 et qui a défaut d'action prend le temps de revenir sur une vie, ses joies, ses peines et les raisons qui peuvent pousser quelqu'un à refuser d'aller plus loin. Le rythme est très lent et assez posé mais c'est un vrai plaisir de lire un texte de cette qualité et de cette dimension. Une vraie réussite !

Avec Thomas Le Proclamateur (novella écrite en 1971), Robert Silverberg nous emmène vers une période trouble pour l'humanité. Celle qui suit l'arrêt brutal de rotation de la Terre. Un phénomène inexpliqué qu'un ancien voyou Thomas va utiliser pour s'improviser prophète. Malheureusement il aura bien du mal à maitriser la ferveur de la foule, au risque de provoquer quelques catastrophes humaines celle-là.

Une nouvelle fois c'est donc d'une fin qu'il s'agit. Silverberg explore les méandres de la croyance humaine et des mouvements de foules que les grands événements peuvent engendrer. Une analyse à la fois fascinante et terrible. On est comme Thomas entraîner par le mouvement incontrolable des événements. Là encore une grande nouvelle.

Mais le meilleur est sans doute la nouvelle éponyme. Né avec les morts (novella écrite en 1973), conclue de manière magistrale ce recueil. Alors que les morts peuvent désormais être ressucités et vivre avec leurs codes et leurs valeurs dans des villes séparées des vivants, un homme tente inlassablement de retrouver la femme qu'il aimait. Mais l'entrée du royaume des morts est difficile à trouver à moins de ne mourir soit même. Une quête qui devient pour le lecteur vite passionnante car outre l'amour et la folie d'un veuf, c'est tout un monde que Robert Silverberg nous offre. Un monde effroyable et attirant, celui de la mort avec ses codes, ses conventions et ses membres...

Robert Silverberg est grand

Robert Silverberg est grand. Si vous en doutiez encore, ce recueil devrait achever de vous convaincre. Avec ces quatre nouvelles, on a une ébauche de son talent. Un auteur avec une plume passionnante portée par une vraie reflexion et de vrais questions sur l'humain. Quatre petits bonheurs à découvrir ou à redécouvrir de toute urgence.