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Une Affaire de famille

J. Paternoster (Traducteur), Charles Stross ( Auteur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 31/05/06  -  Livre
ISBN : 2221105389
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Eric   - le 27/09/2018

Une Affaire de famille

Sacré veinard tout de même ce Charles Stross. Tout d'abord, Jackie Paternoster lui a fait une couverture presque jolie. Si, si ! Bon, il ne faut pas s'attarder sur les détails, mais les pires outrages lui ont été épargnés. Ensuite, il est de notoriété publique que Charles Stross est le nouveau prodige de la SF anglaise. Son recueil Le Bureau des atrocités l'a propulsé au firmament du genre, notamment grâce au Hugo de la meilleure nouvelle que lui a rapporté La Jungle de béton. Enfin, son plus récent effort - Accelerando - vient de décrocher le Locus et est encore en lice pour le Campbell Memorial. Par ailleurs les hasards de calendriers éditoriaux (enfin le hasard…) l'ont rendu omniprésent cette année en France. Présent sur tous les fronts, c'est avec un roman de fantasy qu'il revient chez Ailleurs & Demain.

Bien évidemment, la fantasy par Stross, reste avant tout du Stross. Hey ! N'est-il pas le phœnix de la SF britannique ?

C'est pourquoi on n'est à peine étonné de le voir ouvrir sur le début de semaine désastreux de Miriam Beckstein, journaliste spécialisée dans la net-économie, qui se fait virer sans ménagement parce qu'elle a découvert que son employeur servait peut-être de couverture à une énorme mécanique de blanchisserie de narco dollars. C'est auprès de sa mère adoptive qu'elle va rechercher un peu de réconfort, et c'est le moment que cette dernière choisi (fort opportunément, on ne peut s'empêcher de le noter) pour lui remettre les quelques effets personnels retrouvés sur les lieux où, une trentaine d'années plus tôt, la police l'avait recueillie.

Les circonstances de son entrée dans le monde sont, il est vrai, insolites. On l'avait retrouvée dans un parc, au côté d'une jeune femme étrangement vêtue qui semblait avoir succombé à un coup de machette dans le dos. La police ayant été incapable d'identifier la victime, son bébé avait finalement été confié à un jeune couple, les Beckstein, qui l'avaient adoptée.

Le seul objet ayant vraisemblablement appartenu à sa mère biologique, est un médaillon émaillé orné d'un étrange motif en arabesque. C'est en s'abîmant dans sa contemplation que Miriam bascule dans un autre monde, où elle ne tarde pas à être attaquée par des chevaliers en armure qui… lui tirent dessus avec leurs fusils d'assaut.

Bien entendu, Farmer et ses Hommes-Dieux ou au Talisman de King et Straub vous viennent au cours de la lecture. La référence est, évidemment, trop transparente pour être fortuite. Mais Charles Stross y ajoute sa distance caustique, et cette irrévérence qui, semble-t-il, est sa marque de fabrique. Aussi est on un peu surpris du manque de flamboyance de l'écriture. Un style qui manque étonnamment de piquant pour ce qui se veut une critique acerbe de l'économie de marché. Car ce que Miriam trouve de l'autre côté du miroir, c'est un conglomérat de familles dotées de ce même pouvoir de passer entre les mondes. Un talent qu'ils exploitent pour s'enrichir, avec un mélange touchant d'affairisme et de proto libéralisme. Archaïsmes que la jeune femme va rapidement se proposer de balayer, au cours des deux tomes qui sont sensés faire suite.

Et c'est là encore un aspect troublant de cette Affaire de famille. Car si on sait Stross plutôt ancré à gauche, c'est d'une manière ambiguë qu'il traite de cette économie de marché qu'il dit considérer comme un "mal nécessaire". Au point qu'on en vient à se demander s'il n'est pas en train de servir la soupe à ces libertariens américains qu'il a pourtant régulièrement accablés de son mépris dans diverses interviews. Donc s'il semble que le propos est clair, l'argumentation – en l'état – est, elle, pour le moins maladroite.
Une noblesse de propos qui n'excusera pas non plus le jeu imparfait sur les clichés du genre. Satire qui ne touche pas au but du fait, là encore, de la relative platitude du style. Par conséquent on fini par oublier qu'on prend part à un jeu subtil sur les codes pour ne plus voir qu'une tentative, certes amusante, mais un peu vaine de greffer le NASDAC sur un médiéval finalement pas si fantastique que ça.

Alors peut-être en demande-t-on trop à Charles Stross ? Il est vrai aussi que nous n'en sommes qu'au premier tiers de l'histoire, et, soyons honnête, Une Affaire de famille reste d'une lecture plus qu'agréable. Il surclasse de loin 90% de la production standarisée du moment, faites de comptes-rendus de partie de jeux de rôles et de servilité puérile à un genre mort-vivant vidé de toute substance. Mais on attendait mieux. Moins potache et plus roboratif. Plus encore que de famille, l'affaire est à suivre… d'un œil vigilant.

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