Juan Miguel Aguilera, tête de file de la science-fiction espagnole, a pris un large essor dans notre Hexagone. Il s’est fait remarquer lors de la sortie de son roman La Folie de Dieu (Prix Imaginales et Prix Bob Morane en 2002), un livre mélangeant habilement histoire et fantastique. Depuis ce succès retentissant, il jongle entre roman de science-fiction et roman historico-fantastique. Avec Le Sommeil de la Raison, il nous invite à un voyage maritime vers l’Espagne au 16e siècle en compagnie de Luis Vives, humaniste valencien exilé et Céleste, une jeune sorcière.
« Tu crois que ton âme veut te cacher quelque chose ? »
Début du 16e siècle : Luis Vives, humaniste valencien exilé, tente de rédiger son traité sur l’âme. Mais c’est peine perdue malgré ses expériences avec le haschich. Lorsque son ami et maître, Erasme, lui propose d’être le précepteur de Guillaume de Croÿ, évêque de Cambrai et neveu du sieur Chièvres, le Favori du Roi Charles, l’homme le plus puissant de la cour, Luis Vives à court d’argent peut difficilement refuser.
Il rencontre Céleste, une jeune sorcière, qui lui demande alors de l’aide pour embarquer à bord du navire qui mène le jeune Roi Charles V en Espagne. Elle lui avoue qu’elle a été missionnée par ses supérieurs pour déjouer les plans d'une secte apocalyptique.Malgré
son refus, leurs destins semblent liés. Ensemble, ils se retrouvent à bord du navire et vont tenter de démasquer le complot qui menace le futur Empereur Charles Quint.
« Plus jamais il ne redouterait les mauvais rêves, car ses souvenirs étaient maintenant beaucoup plus effrayants que ses anciens cauchemars. »
Juan-Miguel Aguilera n’a pas choisi la période historique la plus simple pour situer son histoire : entre le pouvoir grandissant de l’Inquisition, le mysticisme qui plane autour de l’âme, la superstition et la chasse aux sorcières, les complots politiques, la pensée scientifique de l’époque... Un défi que Aguilera arrive à relever malgré quelques maladresses et quelques platitudes. Par le sens du détail, les descriptions et un récit dense, par la retranscription d’une atmosphère bien spécifique, le lecteur ressent de suite que l’auteur s’est documenté avec assiduité sur cette période de l’Histoire.
Comme pour ses précédents romans historico-fantastiques, Aguilera utilise une construction simple. Ainsi, il jongle entre plusieurs personnages d’un chapitre à l’autre jusqu’à leur rencontre. Il nous invite à la rencontre de personnages célèbres tels Erasme, Ignace de Loyola, fondateur des Jésuites, ou bien encore Hyeronimus Bosch. Comme à son habitude, Aguilera place quelques questions philosophiques telles la place de l’homme, le rôle de l’âme, l’existence d’un monde spirituel…
Malgré de bonnes idées, Le Sommeil de la Raison ne tient pas le niveau par rapport à La Folie de Dieu. Le lecteur trouvera quelques contre-sens dans le récit. Par exemple, sur un navire qui ne bouge pas faute de vent, Céleste est plaquée contre la coque du bateau par une rafale… Ce n’est pas le seul exemple et cela gêne un peu la lecture. Par ailleurs, l’histoire est assez inégale et parfois Aguilera ne peut s’empêcher de tomber dans des facilités ou des platitudes. Le livre reste pour autant agréable à lire, mais il lui manque le « petit plus » qui en ferait un bon roman.