Loyola et la société secrète

Loyola et la société secrète

Auteur américain, Gene Yang est l'un des quatre chanceux à faire partie de la première fournée de la nouvelle collection Albin Michel Peps, spécialisée dans le comics « indépendant », c'est-à-dire publié aux Etats-Unis en dehors des grands pontes du genre (Marvel, DC, Dark House, etc.). Loyola et la société secrète, publié outre-Atlantique en 2004, est son second comics. On y retrouve l'univers et les personnages de son précédent livre, Gordon Yamamoto and the King of the Geeks, jamais publié en France, mais les deux opus racontent des histoires autonomes qui peuvent se lire indépendamment.

Voyage gastronomique

Loyola, jeune adolescente sino-américaine, et son amie Maggie, découvrent par hasard que la nourriture qu'elles ingurgitent a le pouvoir d'influencer leurs rêves. Ainsi, un mélange chips-gâteaux-chantilly les envoie en Antarctique, tandis qu'une coupe de glace chocolat-menthe recouverte de sirop pour la toux leur fait découvrir l'Amazonie. Après un mois de ces excentricités culinaires, Maggie commence à s'inquiéter pour sa ligne et décide de renoncer à l'expérience. C'est donc seule que Loyola, après avoir mangé un simple pain de maïs, va rencontrer, sur le plus haut sommet du monde, l'énigmatique Saint-Danger. Elle apprend que, de ce point de vue unique, on peut apercevoir n'importe quel endroit du monde avec une précision stupéfiante à condition de plisser suffisamment les yeux. Loyola va rapidement s'attacher à ce philosophe hors du commun et découvrir que, non content d'observer le monde, il a aussi de grandes idées pour le changer. Mais quelles sont vraiment les intentions de Saint-Danger et de sa société secrète ?

Sévère indigestion

Si les quatre premiers titres de la collection Peps ont en commun un format proche du manga et un graphisme épuré, Loyola et la société secrète est sans aucun doute le plus simple visuellement. En noir et blanc sans nuance, avec peu de détails, dans un style proche du symbole, le dessin semble délibérément simple et sans fioriture. Ce qui n'empêche pas l'auteur de s'amuser avec les cases et la structure de la bande dessinée mais, en même temps, envoie au lecteur un message clair : l'essentiel, c'est l'histoire.

Et l’histoire de Gene Yang ne manque pas de piquant. Avec beaucoup d’humour, l’auteur décrit les interrogations de l’adolescente qui hésite à s’engager sur la voie du fanatisme et ses doutes quand il s’agit de distinguer le bien du mal. Attirée par la vision du monde de Saint-Danger mais effrayée par les solutions qu’il propose, elle apprend à construire ses repères et à douter des apparences. Sous son apparence légère, Loyola et la société secrète est un réquisitoire sans concession contre les sectes en tout genre. On pourra seulement regretter, selon sa confession, que pour distinguer le fanatisme de la « grande religion », l’auteur pose le christianisme comme seule échappatoire pour son héroïne.

Simple et très efficace, Loyola et la société secrète pourra sembler un peu naïf aux lecteurs adultes. Ceci, ainsi que les histoires de cœurs de Loyola, laisse penser que le comics s’adresse plutôt à des lecteurs de l’âge de l’héroïne.