A la poursuite du Temps
Roger Leloup... L'homme qui a fait naître et vivre Yoko Tsuno. C'est son enfant, celle qui a occupé sa vie depuis sa naissance en 1969. Une fille née adulte et indépendante qui n'a pas vieillie depuis lors. Une part de lui-même qui a été partout dans le monde, a traversé l'espace et même le Temps en emportant avec elle son coeur et son amour énorme pour chacune des personnes qu'elle a rencontrée au cours de ses aventures.
L'Amitié transcende le Temps lui-même
Encore une nouvelle rencontre pour Yoko. Alors qu'elle va rendre visite - comme à chaque fois qu'elle visite son oncle à Bornéo - à une danseuse gravée sur un bas-relief, elle a la surprise de voir apparaître du néant une étrange machine. La jeune fille qui en sort est prise à partie par deux malfrats. Aussitôt Yoko bondit.
Une fois sauvée, la jeune fille avoue se nommer Monya et venir du futur, un avenir dans lequel l'humanité s'est auto-détruite dans un déluge de feu. Ensemble, les deux amies vont tenter d'enrayer cette course vers la mort. Et la solution viendra peut-être du passé sombre du Japon et de la famille de Yoko, avant même sa naissance.
Puis encore ensemble, les deux filles - accompagnées de leurs amis Vic et Pol - plongeront dans le passé pour tenter de sauver ce qui peut l'être de l'éruption du volcan Agung, une catastrophe qui a effacé la culture de tout un peuple. Elles auront fort à faire pour lutter contre la cupidité, l'obscurantisme et la soif de pouvoir des prêtres et des dirigeants.
Une approche très personnelle du Temps
Leloup l'avoue lui-même : il était un peu effrayé à l'idée de se confronter au Temps. Beaucoup d'auteurs s'y sont essayé et se sont pris les pieds dans le tapis. Jouer ainsi avec le passé peut être délicat et mener à des paradoxes insolubles.
L'auteur s'attaque d'abord à un problème peut-être plus simple que le passé : l'Avenir. Le premier album de cette trilogie concerne en effet le futur de l'humanité et la façon dont le présent - soit le passé de ce futur - peut servir à le modifier. Leloup fait très attention à ne pas se contredire et à garder intacte la trame du passé, mais comme toujours avec lui, ce n'est pas le plus important : l'amitié, la famille et la droiture sont encore et toujours les héros de l'histoire.
Puis il plonge Yoko vers le passé. Mais encore en prenant des précautions immense : il envoie son héroïne dans un lieu et un temps amené à disparaître de toute façon dans la fureur et la lave du volcan. Il ne peut donc pas y avoir de traces de leur passage à cette époque... Sauf celles laissées volontairement par l'auteur.
Lors du troisième voyage, l'auteur prend plus de libertés avec le temps. Il s'autorise à faire visiter Bruges à ses voyageurs temporels, avec des risques de paradoxes accrus. mais encore une fois sa maîtrise du scénario lui évite les plus gros écueils, seule une malheureuse robe faillit être victime d'une rencontre avec elle-même. Quand au Temps... Il ne résiste plus à rien, même pas à l'Amour qui peut naître au travers de la séparation des âges.
Une méticulosité du détail impressionnante
On le sait : Leloup ne laisse jamais son imagination l'emporter hors du réel. Sauf bien sûr avec ses Vinéens, mais c'est une autre histoire... Les dessins des trois albums sont toujours aussi beaux, précis et détaillés que dans les précédents. Avant chaque histoire, l'auteur se renseigne, se déplace dans les régions qu'il va croquer pour s'en imprégner et ramener photographies et croquis qui seront la base de l'aventure.
Rien n'est laissé au hasard, depuis les hélicoptères et les architectures jusqu'aux vêtements des personnages. Même les déplacements de Yoko à Bruges peuvent être suivis sur une carte de la ville - que ce soit en 1994 ou en 1545. Quant aux décors de Bornéo et de Bali, ils sont simplement sublimes.
Ce troisième tome de l'intégrale Yoko Tsuno est splendide. C'est le premier de cette série dans lequel l'auteur déploie de la première à la dernière case toute la magie de son talent pour les dessins réalistes, sans jamais oublier ce qui fait la force de son héroïne : sa foi en l'Homme.