Voyage au bout de l'enfer
Un polar futuriste
Le 1er février 2019, une astéroïde percute la Terre sur la côte Est des Etats-Unis, qui s’en trouve rayé de la carte. L'Europe et la Russie sont également durablement ravagées. Ainsi, c’est désormais entre le Moyen-Orient et le Nouvel Empire Chinois que se décide l’avenir de l’humanité… Voilà le décor apocalyptique d’une histoire où l’on rencontre Chess, un vilain survivant russe, qui se voit chargé de détruire une base militaire au Xinjiang, territoire chinois. Là-bas, il découvre un enfant, qui est l’objet de toutes les convoitises puisqu’il transporte dans son corps les derniers résultats en matière de recherches génétique et cellulaire, c’est à dire une molécule permettant de régénérer n'importe quelle terre stérile et désertique ...
Un scénario subversif
Ce qui frappe à la lecture de cet ouvrage n’est pas tant l’intrigue fantastique cristallisée par l’enfant, qui porte en lui un énième procédé scientifique pouvant sauver ou détruire la planète. Non, c’est bien plutôt la vision du Moyen-Orient, qui en mettant les pieds dans le plat risque de choquer certain.
Car si l’époque est fictive, puisque futuriste, les organisations et les villes citées sont bien ancrées dans le réel. d’aujourd’hui, a commencer par l’organisation du Jihad, qui ouvre l’album en tramant de fielleuses actions. Ainsi, dans la capitale du « Califat » -brrr, on a peur- une armada de Vilain en djellaba maudissent les défunts américains, dont il comptent bien tuer les derniers survivants, et décident entre deux citations du Coran ( !) de s’en prendre aux chinois.
Hormis cette dimension très polémique, l’histoire de ce premier opus est un film d’action aux airs de superproduction hollywoodienne, enchaînant filatures, poursuites, et bagarres aux quatre coins de la planète, des buildings glacés de Zurich à l’Ouzbékistan enneigé, en passant par la capitale du Califat- sorte de Dubaï futuriste- le Kirghizistan oriental et le kazachstan, le tout saupoudré de sales gueules en broche et de beaucoup d’hémoglobine. Ames sensibles s’abstenir.
Un dessin soigné et original
Si la qualité du scénario reste discutable, le talent du dessinateur ne fait pour sa part aucun doute. L’esthétique oppose deux univers, celui des privilégiés, froid, électrique, et celui des terres hostiles dominées par le kaki. Ce système chromatique n’est pas sans rappeler celui de Traffic du Gonzales Inarritu, qui avait choisi trois filtres différents pour chaque monde représenté.
Au luxe glacial et outrancier de Jadid Madina, avec ses salles de marbre dont l’immensité étonne par un beau travail de perspective, s’oppose les bas fonds, dominés par une palette sombre tirant vers le kaki, qui éteint les couleurs, et par extension l’espoir. Le travail le plus remarquable est la représentation de ces mondes perdus, terres des rebelles où l’on se dispute à coup de matraque les aqueducs de pétrole. Ocre lessivé, sulfureux même, cieux verdâtres, nuages noirs, il semblerait que ce soit l’enfer sur terre…
A se procurer donc, mais d’abord pour une question d’esthétique.