Jeunesse
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Le Maître des nuages

Serge Brussolo ( Auteur), Marc Simonetti (Illustrateur de couverture)
Aux éditions : 
Date de parution : 31/07/07  -  Jeunesse
ISBN : 9782747023528
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Christian   - le 31/10/2017

Le Maître des nuages

A partir des années 2000, Serge Brussolo, auteur prolifique de SF et de fantastique, aux univers morbides et décalés,  se consacre davantage à la littérature Jeunesse. Il reprend un roman d’anticipation qu’il avait publié en 1981 au Fleuve noir Les Sentinelles d’Almoha. Ce roman devient Le Maître des nuages , premier tome du cycle « Territoires interdits », réédité aujourd’hui. Serge Brussolo verra ensuite son jeune lectorat progresser largement avec Sigrid et les Mondes perdus, puis Peggy Sue et les Fantômes (9 tomes parus) et Nouchka (3 tomes parus en 2007). Cet écrivain à part, qui n’a pas toujours été reconnu par ses pairs pour sa production originale et inégale, s’est désormais installé comme auteur jeunesse classique.

Ce premier tome est à cheval sur les deux âges. Il combine l’esprit créatif, décalé et dépressif du Brussolo pathologique (le maître des nuages noirs), tout en s’adaptant aux contraintes de l’édition jeunesse (format court, typographie, lissage des résidus gores). Cela donne une entrée en matière qui enchantera les adolescents neurasthéniques, licencieux ou en manque de repère. Ce qui a le mérite d’être original et de compléter l’offre littéraire actuellement disponible.

Territoires maudits

Nath et Nioucha (pas Nouchka) se battent contre des gros lézards qui ont dévoré tout le camp des Têtes-Plates, ces êtres pacifiques ou au QI très bas. Nioucha passe à la casserole. Ebranlé, Nath retourne dans la bourgade de son enfance sur la planète Almoha, une planète géante à l’atmosphère lourde et dont les nuages cristallisés deviennent de redoutables nuées de pierre détruisant tout sur leur passage. Une muraille de nuages interdit l’accès à l’hémisphère sud.

Quant à l’hémisphère nord, il a été ravagé par les humains avides de ressources minières. Le sol boueux passe d’un état de vase à celui de terre à peu près ferme suivant le niveau d’ensoleillement. On circule sur la planète alternativement en barque ou à pied. Les édifices construits par les pionniers s’enfoncent dans la vase et n’importe quel dormeur peut se réveiller enfoui définitivement dans la bourbe. N’importe quel marcheur peut se figer dans un nuage en cours de solidification. Sans compter les pluies, parfois solides, qui sont meurtrières. Rien n'y résiste et la civilisation s’enfonce.

Nath revient honteux dans sa petite ville natale, en décomposition. Il n’a pas trouvé d’issue à ce monde, où on étouffe en raison de la pesanteur. Des hommes ont muté : les Têtes-Plates, de gentils légumes, supportent mieux les écarts de pression en profondeur ou en altitude. Des hommes veulent muter : les Rampants, qui veulent renverser l’ordre établi, et adapter de force l’espèce humaine à la surgravité en instaurant le règne de l’horizontal. Les humains paient le prix de leurs ravages. Et, comble de l’ignominie, un mage pervers précipite leur perte : le maître des nuages.

Ambiance pesante, plume légère.

Sur Almoha, comme dans le roman, l’atmosphère est lourde. Tous les humains sont handicapés par la pesanteur écrasante. Ils survivent, réduits à l’état de bêtes. L’ensoleillement cyclique, le mouvement des nuages, tout concourt à dégrader une civilisation qui a perdu sa force, sa richesse et sa maîtrise des technologies élémentaires. Nous assistons donc à un progressif et pesant retour à l’animalité dans un écosystème appauvri (en gros, les hommes mangent des crocodiles qui mangent des hommes). Seule la tradition (les lois des sentinelles) et quelques soubresauts de solidarité permettent encore de résister à la déchéance. Il ne fallait pas jouer avec la nature.

Le problème, c’est qu’il n’y a pas d’issue de secours. Bien sûr, il y a l’hémisphère sud, rendu inaccessible par une barrière naturelle de pierres. Mais c’est pour les tomes suivants. Alors on reste une boule en travers de la gorge, avec le sentiment d’avoir été pris au piège de la fange.

Pas très réjouissant, donc. Les personnages suffoquent, paralysés par la gravité. Ils manquent de s’évanouir au moindre effort à chaque chapitre. Ils sont vieux avant l’âge. Le style, lui, n’en sort pas alourdi. C’est bien d’ailleurs la seule pépite du roman qui ne soit pas rocailleuse ou boueuse. Les phrases sont limpides et s’enchaînent allègrement. La mécanique narrative fonctionne bien. On n’a jamais envie d’abandonner, mais aussi parce qu’on est toujours en attente d’un rayon lumineux. D’un peu d’humanité. D’un peu d’espoir. D’un peu de jeunesse.

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