La Route de Tsiang Hé

Régis Hautière s’est mis au scénario après avoir fait, pendant plusieurs années, des critiques de bandes dessinées, et a déjà à son actif plusieurs one-shot et séries, notamment Au-delà des nuages, Le Dernier envol ou encore Un autre monde.
Il opère dans des registres très variés et s’accompagne pour la série qui nous intéresse ici de Jean-François Bruckner au dessin, qui est plus connu pour ses activités de designer dans les jeux vidéos.

Une BD uchronique en Chine

L’empire Feng est déchiré : la corruption règne, les nations occidentales, au premier rang desquelles La France et l’Empire britannique, cherchent à étendre leur emprise sur cette région, et les hordes mongoles se pressent à la frontière.
Un émissaire français, Victor Clément, est envoyé auprès du prince-gouverneur T’su afin de livrer une cargaison mystérieuse.  Les destins de trois personnages, l’émissaire français, un moine et une brocanteuse itinérante, vont se trouver liés dans ce contexte pour le moins tendu.

Une série au potentiel intéressant

Le scénariste utilise un pays qui évoque la Chine afin de proposer une histoire mystérieuse qui joue sur les zones d’ombres d’une époque située après la bataille de Waterloo (que Napoléon a gagnée dans ce monde-ci). L’auteur nous présente ainsi un pays profondément corrompu et aux mœurs différentes de l’occident. En tant que premier volume d’une série, le décor n’est que posé pour le moment et on sait assez peu de choses sur chacun des héros, mais le scénario est prometteur. Quel est le contenu de la cargaison française ? Quelles sont les motivations des différents protagonistes ?

Il reste que ces derniers ne sont décrits que trop brièvement, ils manquent encore trop d’épaisseur. Régis Hautière s’intéresse ici davantage au contexte historique et à poser les bases de son histoire, solides semble-t-il, mais il est difficile d’en juger sur ce seul volume. On peut penser que les suites offriront  un meilleur équilibre entre le contexte et les personnages.

Des dessins inégaux

Les décors sont superbes, les planches alternant avec plus ou moins de bonheur les couleurs chaudes et froides. On ressent un certain dépaysement face aux étendues de l’Empire de Feng, tout comme un voyageur qui découvre une contrée pour la première fois.

Les dessins ont cependant un problème d'équilibre eux aussi : les personnages ne sont pas très réussis, notamment au niveau des visages et des expressions, trop figées. Le dessinateur abuse des gros plans. Les cases s'enchaînent bien, le tout reste assez dynamique quand il le faut, mais on sent le dessinateur plus à l'aise dans l'illustration que dans le mouvement. Défaut du dessin ou volonté de rendre ainsi un certain aspect onirique, il est là encore difficile d’en juger sur ce seul album.

Trois empires, malgré quelques défauts, s'annonce donc plutôt bien. Le contexte est prometteur et les pistes lancées peuvent déboucher sur des situations intéressantes. Cette série se cherche encore et doit trouver un équilibre mais on peut espérer du mieux pour la suite.