Vents contraires
Après avoir travaillé une dizaine d'années pour le festival d'Amiens, c'est en 2004 que Régis Hautière se lance dans la bande dessinée, avec
Le Dernier envol. Depuis, ce scénariste né en 1969 a réalisé une vingtaine d'albums, dans des genres variés (polar aéronautique avec
Dog fights, historique avec
III Empire, humour fantastique avec
Dofus monster...).
Johann Leroux, alias Ullcer, est plus jeune que son collègue scénariste, avec lequel il a réalisé
Vents contraires. Ce dessinateur de trente et un ans est au début de sa carrière et
Moissons rouges est la deuxième série à laquelle il participe. Précédemment, il a travaillé avec Adrien Seltzer sur
Harley & Davidson, une série mettant en scène un duo de policiers.
Héros malgré lui Yvon Lebihan est un ancien soldat de la Marine nationale. Devenu reporter animalier, il réalise des documentaires sur la vie sauvage de la campagne bretonne. C'est là qu'il va faire une rencontre inédite qui va le plonger dans le collimateur d'un assassin semant la mort derrière lui...
Un premier tome qui mise sur le suspense Moissons rouges est un diptyque. Une série très courte, donc, à laquelle se sont attelés Régis Hautière et Ullcer. Une forme qui impose une certaine rigueur et peu de digressions dans le récit. Pourtant, avec
Vents contraires, le scénariste semble vouloir prendre son temps.
L'avantage est indéniable, puisque le personnage principal, Yvon Lebihan, nous est présenté avec précision, et plusieurs personnages secondaires ont le droit à des descriptions bien plus étoffées que dans nombre de bandes dessinées. Le premier tome de
Moissons rouges joue donc parfaitement son rôle de porte d'entrée dans la série. Le lecteur dispose ainsi de tous les éléments qui lui permettront de comprendre l'histoire.
Le désavantage est de ne pas entrer dans le vif du sujet. Hautière n'oublie toutefois pas qu'il écrit un thriller. Le lecteur découvrira donc des éléments qui font monter le suspense, avec ce tueur qui semble vouloir effacer les traces de quelque projet secret, une chasse à l'homme avec tout ce qu'il faut d'action et un
cliffhanger.
Moissons rouges a donc visiblement tout ce qu'il faut pour faire une bonne série de bandes dessinées. Pourtant, la sauce ne prend pas tout à fait. La faute, peut-être, à trop de mystère. Car, en effet, on ne sait rien – mais absolument rien – des intentions des « méchants » à la fin de
Vents contraires. L'impression est qu'on a sans doute affaire à un thriller conspirationniste sur fond de découvertes biologiques – l'éditeur se sentant obligé de lever un petit peu le voile dans le communiqué de presse – qui ne va pas révolutionner le genre car il en utilise tous les éléments habituels.
Il faut dire, aussi, que le scénario est porté par le dessin d'Ullcer. Un artiste qui emploie un style typique de la bande dessinée franco-belge pour grand public. Ses planches sont mises en couleur de façon ordinaire. Le résultat ne démérite pas mais confirme l'impression de faire dans le classique.
Reste donc l'avantage que
Moissons rouges est un diptyque. Les auteurs ont misé sur un premier tome qui fait monter le suspense. Ils devront tout lâcher dans le second pour signer une œuvre inoubliable. Un pari osé, et à la réussite douteuse car l'envie de découvrir ce deuxième volet de la série est contrebalancé par la peur d'être terriblement déçu.