Jeunesse
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L'île

Thomas Ehrestsmann (Illustrateur de couverture), Yves Grevet ( Auteur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 28/02/09  -  Jeunesse
ISBN : 9782748507867
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Christian   - le 31/10/2017

L'île

La cinquantaine sereine et souriante, Yves Grevet, publie des ouvrages Jeunesse depuis 2004, mais sa notoriété est montée en flèche depuis le succès de La Maison,  premier tome de la trilogie Méto dont le dernier tome paraîtra en mars 2010.  Couronné de plusieurs prix, dont le Tam-Tam 2008, le premier livre évoquait de l'intérieur un orphelinat-prison digne de l'internat des fils d'opposants du Combat d'hiver de Jean-Claude Mourlevat, (auteur d'un excellent Chagrin du roi mort en 2009), du Grange Hall où sont maltraités les enfants nés illégalement dans  La déclaration de Gemma Malley ou des pensionnats de Wendy 2 de Vincent Ravalec.

A la fin du premier volet de la trilogie, Méto parvenait à s'enfuir de la Maison avec ses camarades. Echappant de justesse aux balles des monstres-soldats, il est recueilli par ceux du dehors, les Oreilles coupées, qui se méfient des nouveaux venus. Il n'est plus entre les murs d'une prison pour enfants, mais dans une prison plus large entourée d'eau autour de la Maison : l'île.  Avec ses camarades, Méto passe d'un enfermement à l'autre. Son horizon carcéral s'élargit.

Un monde de brutes

La sortie de la Maison tourne au carnage. Poussé dans un trou, Méto perd connaissance. Il se réveille blessé, attaché à un lit les yeux bandés sans pouvoir échanger un mot avec les infirmiers de passage. Il se souvient de l'embuscade des soldats  et de la clameur des Oreilles coupées venus porter secours aux enfants. Quand la douleur est moins forte, son lit est déplacé et il retrouve certains de ses amis : Claudius, Marcus, Titus et Octavius.

Ils seront mis à l'écart et jugés pour avoir causé, par leur fuite, la mort de plusieurs personnes. On trouve leur évasion suspecte. On les soupçonne d'être des espions.  Mais peu à peu le groupe parviendra à se faire une petite place parmi ces brutes dont les préoccupations quotidiennes se résument au combat, à la chasse, au vol et à leur survie.

 Méto, lui, n'a que trois idées en tête : comprendre qui il est, ce qu'est la Maison et ce qui existe au-delà de l'île

Une dystopie insulaire

La Maison était une pépinière de petits humains dont l'ultime but semblait être l'endoctrinement et l'apprentissage de la servilité. Un pensionnat totalitaire, abstrait, où les sensations étaient réduites à leur plus simple expression. Dans l'Ile, les enfants grandissent. Ils sont dans un monde tribal, sauvage, soumis à l'autorité du chef, du plus musclé ou du plus cruel. Leur problème n'est plus d'obéir mécaniquement et d'apprendre, mais, métaphore de l'adolescence, de s'intégrer dans une communauté qui n'est pas faite pour eux. Certains camarades de Méto choisissent de devenir comme leurs geôliers. D'autres se résignent à les mépriser. Mais Méto, lui, cherche l'issue de secours.

Nous sommes donc toujours dans le registre de la dystopie, dont l'insularité renforce la fermeture et la sensation d'étouffement (l'Utopie de Thomas More était une île).

Méto parvient à percer certains codes de conduite (le lien entre les noms et les totems), certains secrets (le chaman). Il ne parvient toutefois pas à comprendre les liens qui existent entre ces hommes du dehors (pas plus de femme, ou si peu, que dans le premier tome) et la communauté de la Maison. Pour lui, il y a symbiose. Sans le dire, ceux de la Maison se laissent dérober de la nourriture, des médicaments, mais c'est sans doute parce que les Oreilles coupées leur sont utiles à quelque chose. Dans ce livre charnière, Méto cherche à comprendre la raison d'être de la Maison, de l'Ile et à entrevoir le monde extérieur qui seul peut éclairer le tout.

Dans cet ouvrage, le narrateur Méto apparaît moins naïf et plus intelligent que dans le premier tome. Son vocabulaire s'enrichit. Il décrypte les codes sociaux et se pose en ethnologue qui refuse de croire que le monde s'arrête aux rivages de l'Ile. La société dans laquelle il vit est une parmi d'autres et ce n'est pas la sienne. Il sait s'adapter pour ne pas être rejeté, mais il ne s'y conforme pas. Il ne cherche pas non plus, comme dans le premier ouvrage, à la modifier de l'intérieur (avec ses semblables). Ce monde est un monde d'adultes qu'il n'arrivera pas à convaincre. Tout ce qu'il veut, c'est fuir et ceux qui veulent fuir avec lui sont les bienvenus. Méto est finalement le seul véritable humain parmi des hommes ou des enfants asservis et sans conscience. Sans conscience, en tout cas, de cet ailleurs possible sur lequel s'appuie toute liberté d'agir et de penser.

Ce livre déroutera sans doute davantage les jeunes lecteurs que le premier car il est moins manichéen. Les cerbères ne sont pas tous malveillants. Les menaces viennent parfois plus des clans que des individus. Les enfants ne sont plus aussi solidaires. Le mal est moins extérieur. Chacun cherche sa voie. Et ils sont plus d'un à se tromper.

La fin est plutôt inquiétante, mais l'existence d'un troisième volet intitulé "Le Monde" est plutôt fait pour nous rassurer.

 

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