dragons
Un bien bel objet que cette anthologie dragons : une couverture magnifique signée Alain Brion, et des illustrations intérieures (du même illustrateur ?) qui accompagnent dix-huit nouvelles ne masquent pas la surprise que ressent le lecteur en ouvrant le livre. En effet, il n’y a pas ici de préface, ni d’anthologiste crédité au sommaire, et on constate également l’absence de présentation des auteurs. La plupart d’entre eux sont suffisamment connus désormais des lecteurs de science-fiction et de fantasy, mais on aurait souhaité en apprendre un peu plus sur les quelques nouvelles plumes qui jalonnent ce recueil.
Un début ardu
L’absence de préface permettant au lecteur de situer les nouvelles qui l’attendent est d’autant plus étonnante que la nouvelle de Daylon qui ouvre l’anthologie (Chansons pour Ouroboros) est un texte ardu, qui risque d’en rebuter plus d’un. Un texte qui ne se laisse pas apprivoiser facilement et intéressant à plus d’un titre mais c’est peut-être placer la barre un peu haut pour ouvrir le recueil…
Passé cette entrée en matière un peu surprenante, on se trouve finalement face à une anthologie solide : la présence d’auteurs confirmés y est pour beaucoup et les auteurs moins connus relèvent le défi avec brio. L’originalité est de mise sur un thème qui ne s’y prêtait pas forcément.
Une anthologie solide mais inégale
Parmi les textes les plus intéressants, Thomas Day nous livre avec La contrée du dragon un récit intimiste loin de ses intrigues violentes habituelles. La violence est présente parmi les textes de Jérôme Noirez (D’un dragon l’autre) et Johan Heliot (L’huile et le feu) qui explorent le thème à l’aune de la guerre et du racisme. Le récit d’Ugo Bellagamba (Les années d'orichalque) fait lui preuve d’une belle maîtrise dans une nouvelle… de science-fiction. Quant à Virginie Bétruger (Cœur de pierre), elle nous livre un conte plutôt cruel, et très réussi. L’approche la plus originale est sans doute celle de Mélanie Fazi (Dragon caché), qui s’attarde davantage sur les sentiments humains et la relation symbiotique entre l’homme et une créature différente, dans un récit touchant et très humain.
Pour les auteurs moins connus, La suriedad d’Estelle Faye est sombre, l’auteur sait distiller une ambiance. Le texte de Frederic Jaccaud (Soldats de plomb), avec un monde qui évoque la première guerre mondiale, est bien mené et il y manque peu de choses pour en faire une excellente nouvelle. Dans une veine plus humoristique, la nouvelle de Eudes Hartemann, (Le feu sous la cendre) avec son parfum désuet, est bienvenue dans un recueil de textes en majorité sombres.
Il reste que les oeuvres les moins réussis sont justement les textes d’humour : celui de Jean-Claude Bologne (Le dragonneau anorexique), s’il est correct, est trop décalé par rapport aux autres, et vient casser le rythme, sachant qu’il s’insère entre deux textes beaucoup plus noirs. Au plus haut des cieux, de Robert Tecon, décrit un monde médiéval mal rendu et reste trop prévisible. Quelques bêtes de feu et d’effroi de Philippe Guillaut est trop lourd et alambiqué pour emporter l’adhésion. Enfin le texte de François Fierobe (Tératologie des confins), présenté sous dorme de documentaire, semble un choix assez étrange pour fermer le recueil, il aurait davantage eu sa place au milieu, sous forme de pause.
On se trouve donc face à un choix relativement varié : des textes plus sombres et mélancoliques, écrits avec justesse, côtoient des textes plus anecdotiques dans la forme ou plus légers dans le ton, dans un ordre qui semble aléatoire et pas toujours bien défini. La nouvelle de Jean-Claude Bologne notamment arrive comme un cheveu sur la soupe. Une bonne anthologie au final, inégale et sans ligne directrice claire (hormis la figure du dragon) mais qui contient quelques excellents textes, et qui mérite qu’on s’y attarde. Chacun devrait pouvoir y trouver son bonheur.