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Le Don

Alain Brion (Illustrateur de couverture), Nathalie Mège (Traducteur), Patrick O'Leary ( Auteur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 30/04/10  -  Livre
ISBN : 9782354080815
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Lavadou   - le 27/09/2018

Le Don

Patrick O'Leary avait fait une entrée remarquée dans les librairies françaises avec L'Oiseau impossible, paru chez Calmann-Lévy (collection Interstices) en 2007. Mnémos poursuit la découverte de cet auteur en publiant Le Don, écrit deux ans avant L'Oiseau impossible.

À travers un réseau de récits imbriqués – sur un bateau, en un lieu et un temps indéterminés, un conteur narre des histoires qui contiennent elles-mêmes d'autres histoires – on suit les aventures de Tim, garçon naïf héritier d'une ancienne magie, et de Simon, roi prématurément placé sur le trône, quittant son château pour mettre un terme à un pouvoir terrible qu'il a acquis malgré lui et qui le rend fou. Le destin des deux jeunes gens est lié par un ennemi commun, l'Huissier, alchimiste médiocre parvenu à réveiller d'anciens pouvoirs qu'il ne contrôle pas complètement. Dans un monde où la magie a presque disparu, sa redécouverte et sa maîtrise sera la clé pour achever l'écriture d'une légende venant du fond des âges.

La magie du conte à l'œuvre

Le fameux Don du titre prend plusieurs significations dans le roman d'O'Leary. Celle qui a le plus de force est la capacité qu'on les hommes à raconter des histoires, à transmettre leur mémoire oralement ou par écrit. C'est ce qui passionne dans ce livre : la mise en branle inexorable du mécanisme du conte. Le roman est composé d'une myriade de récits entrecroisés, si bien que le lecteur, petit à petit, perd la notion de réalité, la légende se mélangeant à l'Histoire. Avec cette question, en filigrane tout au long du livre : doit-on croire le conteur quand celui-ci n'a pas assisté aux événements qu'il relate ? « La vérité est une prérogative du conteur », nous dit O'Leary dans le premier chapitre : ainsi nous invite-t-il d'emblée à nous laisser convaincre par sa vérité. Une vérité qu'il peut être nécessaire ou salutaire de déguiser, lorsque nos interrogations existentielles sont trop lourdes à porter : « Toutes nos histoires sont des masques pour des questions auxquelles nous ne pouvons répondre. Des questions enveloppées dans de petites réponses pour nous distraire, nous qui nageons dans de plus grands mystères. » Le conte agit ainsi comme un sortilège : il modifie l'apparence de la réalité pour la rendre plus facile à accepter.

Une intrigue entre deux eaux

Malgré cette réflexion fine et séduisante sur le rôle et la nature des histoires, Le Don ne convainc pas tout à fait. La faute à une intrigue qui a du mal à choisir entre le conte initiatique et candide, et le récit dur et cruel d'un combat à mort. La ligne de narration qui suit les aventures de Tim relève de la première catégorie, avec ses raccourcis plutôt simples, son déroulement plein de découvertes où les difficultés sont très vite tempérées par la promesse d'une destinée hors du commun. La seconde, plus sombre, plus cruelle, relate le combat de Simon avant tout contre lui-même ; la psychologie et les sentiments du jeune homme, malgré quelques clichés sur l'éducation, la solitude et la nostalgie de l'enfance, sonnent juste et montrent un personnage complexe et fascinant.

En soi, chacune de ces deux approches est valable et pourrait donner lieu à un roman captivant. Le problème est que le mélange des deux ne prend pas : le déséquilibre né du passage de l'une à l'autre, accentué par un ton qui hésite entre humour et horreur, ne permet pas d'entrer véritablement dans le récit. L'effet est accentué lorsque les deux lignes se rejoignent. Il ne suffit pas de dire « C'est maintenant que ça fait peur » pour que cela marche, surtout quand sur la page suivante on peut lire une expression aussi frivole que « Impossible de dire qui prit ses jambes à son cou le premier »... D'autant que le dénouement, pourtant globalement réussi, souffre lui aussi de cet écart de traitement entre les « méchants » : alors que l'un est flamboyant, profond, l'autre manque de panache et est beaucoup plus simpliste.

Reste malgré cela de très belles idées autour de la magie, du pouvoir, de l'avenir. Et surtout une fantasy qui n'hésite pas à s'affranchir de la barrière des genres pour lorgner subtilement du côté de la SF...

Ainsi, Le Don souffre d'une intrigue entre deux eaux, peinant à trouver une unité de ton, faisant qu'on a du mal à se passionner pour les aventures de Tim et Simon. Pourtant, les idées développées par O'Leary sur le conte méritent le coup d'œil, ne serait-ce que pour voir se dérouler la mécanique implacable de la fiction.

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