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Les Enfants de Salamanca 2

Christophe Bec (Scénariste), Bertrand Denoulet (Coloriste), Stefano Raffaele (Dessinateur)
Aux éditions : 
Date de parution : 04/06/10  -  BD
ISBN : 9782800144078
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Christian   - le 31/10/2017

Les Enfants de Salamanca 2

Série d’horreur fantastique, le premier album de Sarah – Les Enfants de Salamanca, présenté par l’éditeur Dupuis comme un sommet du genre, avait tenu toutes ses promesses graphiques et scénaristiques. La suite, toujours signée Christophe Bec à la plume et Stefano Raffaele au crayon, deux piliers de l’épouvante, devait confirmer et continuer de surprendre les lecteurs à qui les auteurs avaient donné le sang à la bouche.

Dans le premier album, Sarah, victime de crises d’angoisse, quitte son métier d’avocat à New York pour suivre son mari David qui a trouvé un travail de garde-forestier à Salamanca, une petite ville perdue en Pennsylvanie. Logés dans un chalet en pleine forêt, leurs voisins, les Westmore, s’avèrent plutôt inquiétants. Sarah se sent épiée et, dès leur arrivée, un intrus saccage la cuisine. Pour parfaire le tout, l’accueil des habitants de Salamanca s’avère glacial. Les intrus ne sont pas bienvenus dans une ville qui semble hantée par son passé. Un cadavre atrocement mutilé a été trouvé dans les falaises de Cuba Ville, une ancienne ville minière. Le crime est attribué à une bête féroce. En raison d’un problème de chaudière dans la cave, Sarah doit surmonter ses phobies pour emprunter un couloir sombre qui débouche sur ce qui semble être, photo à l’appui, le refuge d’un enfant monstrueux situé dans un ancien hôpital psychiatrique.

Sarah se met alors à revivre les sévices qu’elle avait subis, enfant, de la part d’un pédophile qui maltraitait une autre fillette avec laquelle elle parlait, enfermée, à travers un mur. Le spectre de cette amie, tuée une semaine avant la délivrance de Sarah, continue à s’adresser à elle.

Sur les traces des monstres

Dix-sept ans avant l’arrivée de Sarah et David, un groupe de personnes enterre un monceau de corps de jeunes enfants dans le cimetière de Salamanca. Après l’oraison funèbre du prêtre, le shérif demande à toutes les personnes présentes de ne jamais évoquer la nuit des enfants de Salamanca.

Deux randonneuses se promènent dans la ville fantôme de Cuba Ville. Elles ont en tête la légende de la mine : en 1911, deux mineurs ont découvert une tombe indienne. Transformés en monstres sanguinaires, ils se sont attaqués à leurs collègues qui s’entretuèrent. Le lendemain, la ville était jonchée de cadavres à moitié dévorés.

Le lendemain matin, trois personnes se rendent sur les ruines de l’hôpital Saint Julian, pour faire avancer leur projet de création d’un hôtel. Elles reçoivent la visite de Sarah, qui cherche à obtenir des renseignements sur un ancien employé de l’hôpital. Sans prévenir David, Sarah rend visite à un homme qui pourrait l’informer sur l’enfant étrange qui figurait sur la photo, le fils Westmore.

Pendant que Sarah trouve des réponses sur le jeune démon, David risque sa vie d’un coup de volant pour éviter une créature atroce. Le cauchemar continue.

Découpage très réussi

L’intrigue de Christophe Bec repose sur la révélation du lien entre un présent sanglant et un passé sanguinaire.  Après dix-sept ans de répit, l’horreur refoulée refait surface, resurgit de la mine, des galeries de l’hôpital et des affres de la maladie mentale. La terreur est renforcée par la conjonction de plusieurs résurgences : le massacre de la mine, la malédiction des Westmore et le traumatisme de Sarah. Ces trois pistes étaient présentes dans le premier album, mais leur parallélisme est accentué dans le second et l’intrigue bascule dans la recherche du lien entre les trois fléaux venus du passé. À noter la volonté d'éclectisme affichée du scénariste puisque la trame puise ses sources dans l'horreur, le fantastique, le policier US, mais aussi la SF si l'on en juge à l'allure de certaines créatures (les "Thérias").

Le dessin de Raffaele et le découpage de la série (pas seulement celui des corps) sont très cinématographiques. Des pages entières contiennent peu ou pas de texte. L'emplacement de la caméra est très juste, pointant de façon fluide sur l'action en cours ou entretenant habilement le suspense sur la suite des événements. L'utilisation de la fin de page comme point d'orgue, point d'exclamation ou point de suspension du mouvement est naturelle et efficace. Les visages progressent lentement mais sans cesse entre tension contenue et panique paroxystique et solitaire. Pour une intrigue aussi fouillée, le nombre de cases par page reste limité et cette aération donne au dessin une dynamique et une présence particulières. Une vraie leçon de découpage et de maîtrise de l'art de l'illustration bédégraphique. Le dessin est très maîtrisé, l'expression des visages réaliste et pleine de sous-entendus, l'alternance des couleurs est savamment dosée et donne un rendu sombre, mais doux et agréable à l'œil. L'ombre des visages et des corps est distillée sans faille, contrairement à de nombreux albums réalistes qui supportent mal le passage du noir et blanc à la couleur (excellent travail de Bertrand Denoulet). L'utilisation de la surexposition lumineuse dans la chambre sécurisée de l'hôpital psychiatrique est très bien sentie et sert la narration graphique (le passé blanc et bleu et le flash de l'horreur). La qualité des couleurs et le ton de l'album donnent le sentiment que le cadre entre les cases aurait pu être noir plutôt que blanc. C'est tout juste si on pourrait reprocher au dessin l'abondance des traits de visage à la façon Paul Gillon. Pas d'excentricité dans le positionnement de la caméra, mais une variété de points de vue qui témoigne d'une parfaite maîtrise du langage cinématographique.

Au final, un bon équilibre entre scénario et dessin avec un découpage de haute qualité. Pour goûter pleinement l'ouvrage, il faut évidemment apprécier l'épouvante et son flot de sang et de chair déchirée. Un album à ne pas laisser entre de jeunes mains et à ne pas lire dans un chalet isolé en pleine forêt quand le vent souffle et le bois craque plaintivement.

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