La Malédiction des trente deniers T2

La Malédiction des trente deniers T2

On peut difficilement présenter Edgar P. Jacobs. Ses personnages fétiches, de Blake et son ami Mortimer jusqu'à Olrik le traître, sont connus, tout autant que le racisme sous-jacent de leurs aventures. Chacun des tomes de l'œuvre du maître a été soigneusement conçu, ciselé pour plaire au lecteur tout en transmettant un message colonisateur et un peu suffisant, expliquant que l'Occident et ses hommes, quels que soient les périls, savaient garder la tête haute.

Jean Van Hamme est au moins aussi connu. En tant que scénariste de bandes dessinées, nous lui devons entre autres les cycles de Thorgal, de XIII et de Largo Winch. Depuis quelques années, il participe à l'aventure qui consiste à faire durer et à compléter la vie de Blake et de Mortimer.

Une belle aventure

Changeant de registre par rapport à L'Affaire Francis Blake, qui était basée sur des trahisons et de l'espionnage, Jean Van Hamme se tourne cette fois vers un des grands mythes de notre société : les Trente Deniers de Judas. Au travers de deux volumes, il nous emporte dans un voyage à la fois physique et spatial à la surface de notre Terre, mais aussi temporel, pour retrouver, sur des sites archéologiques, la trace de ces quelques pièces maudites.

Accompagnés de personnages bien construits, vivants et intéressants, les héros vont tenter de gagner une course contre la montre, d'arriver avant Olrik – évidemment – et ses commanditaires. Dans l'esprit des Indiana Jones – les premiers – cette aventure est fort bien menée.

Mais est-ce du Jacobs ?

Oui, l'histoire est belle mais... Avec un tel scénario, Jacobs a dû se retourner dans sa tombe s'il en a seulement entendu parler. Jean Van Hamme est un grand scénariste, certes, mais il aurait dû prendre en considération certains éléments fondamentaux de l'œuvre du maître. En effet, une constante absolue dans les tomes écrits du vivant de Jacobs est l'absence totale des nazis. Comme si la Seconde Guerre mondiale n'avait jamais eu lieu dans l'univers des deux héros, les méchants sont toujours étrangers à l'Europe, même si l'impérialisme et le totalitarisme sont bien présents – en particulier dans Le Secret de l'Espadon.

Alors, voir un drapeau nazi, un uniforme allemand, des hommes cherchant à faire revivre les idées du Führer... Rien de tout ceci ne devrait se produire dans un Blake et Mortimer. Van Hamme semble simplement s'être trompé d'univers, trompé de personnages, trompé d'histoire.

Si vous aimez les deux héros, vous risquez de ne pas retrouver l'ambiance habituelle dans ces deux tomes, qui dénaturent le testament de leur père...

Sinon, vous pourrez apprécier ces deux livres parfaitement dessinés à la manière de Jacobs par Antoine Aubin, un dessinateur peu connu mais qui travaille régulièrement pour la presse.