1794 est le dernier tome de la trilogie de Pierre Bordage sur la Révolution française. L’Enjomineur, titre de cette série, est une intrigue basée sur des faits historiques de l’époque et se déroulant sur trois ans (1792 à 1794).
Pendant les deux premiers volets de cette trilogie, le lecteur suit les aventures en parallèle de deux hommes que tout sépare : Émile, alias Milo, un jeune paysan élevé par un prêtre ouvert aux idées nouvelles. Porteur de la dague de la fée Mélusine, il traque l'esprit du mal, mais est tiraillé par son envie et son besoin de retrouver Perrette, la femme qu'il aime. Et Cornuaud, alias Belzébuth, ancien marin à bord d'un négrier et enjominé par une sorcière vaudou. Il profite du chaos de la révolution pour perpétuer des sacrifices et ainsi assouvir la soif de vengeance de la sorcière contre les hommes blancs.
« La vie avait fait de lui un brigand, une canaille du quai de la Fosse, un marin sur un navire négrier, un possédé, un volontaire des armées de la république. »
Dans ce dernier opus, le lecteur retrouve donc ces deux personnages.
Emile est séquestré volontairement par la secte Mithra, la religion des légionnaires romains et chassée par le Christianisme. Fils du père des pères, il est l’élu, l’Atar de la fin des temps, le Roi des rois dont la mission est d’entraîner l’humanité à sa perte. Dépendant de l’Haoma, une plante qui a le pouvoir de révéler le passé et l’ensemble de la mémoire humaine, Emile doit prendre une décision : devenir l’Atar ou s’enfuir loin et retrouver Perette, l’amour de sa vie.
Quant à Cornuaud, tantôt républicain, tantôt royaliste, il fuit Paris et traverse la Vendée en direction de Nantes. Il veut se débarrasser de cette sorcière qui l’oblige à tuer, tuer et encore tuer.
« Les hommes, révolutionnaires ou non, enragés ou pas, avaient besoin de chair fraîche pour ranimer leurs ardeurs patriotiques. »
Bordage aurait pu faire de cette trilogie, un diptyque voire, un roman. Dans les deux premiers, il met du temps à mettre en place le décor, ses personnages. Il se perd dans des rebondissements inutiles qui ont tendance à ennuyer le lecteur. En refermant ce dernier tome, on ne peut s’empêcher de penser que cette trilogie est fort longue.
Réciproquement, on comprend pourquoi l’auteur a choisi ce parti : Pierre Bordage veut décrire l’ambiance et les horreurs de la Révolution. Et il y parvient, avec une noirceur pesante et sanglante. Il décrit d’une manière crue cette période de barbarie, de cruauté où l’homme redevient un animal, un ennemi pour l’homme. Sa plume, son style bien particulier, excellent dans cette retranscription historique personnalisée. Personnalisée car Pierre Bordage nous donne ici sa vision de cette époque, une vision loin d’être objective puisqu’il la dépeint comme une période de sauvagerie qui au final, n’aura pas servi à grand-chose, si ce n’est à porter famine, malheur et mort. Certains d’ailleurs pourront reprocher à l’auteur d’être trop noir, de trop insister sur les massacres causés par les sans-culottes, de défendre la cause des royalistes et paysans vendéens.