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Zendegi

Greg Egan ( Auteur), Nicolas Fructus (Illustrateur de couverture), Pierre-Paul Durastanti (Traducteur)
Aux éditions : 
Date de parution : 15/03/12  -  Livre
ISBN : 9782843441103
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chloe   - le 31/10/2017

Zendegi

Greg Egan est un écrivain de science-fiction australien, diplômé en mathématiques et programmeur informatique. Ses textes, toujours complexes et soulevant des concepts très travaillés, se concentrent autour de thématiques qui questionnent l’essence même des individus, de la pensée et de la réalité de notre monde, dans une approche plus philosophique que scientifique, même s’ils prennent souvent appui sur des théories complexes comme la mécanique quantique, les simulations informatiques ou notre fonctionnement biologique – notamment celui de notre cerveau.

Auteur de nombreuses nouvelles, publiées sous forme de recueil (Axiomatique, Radieux, Océanique), genre dans lequel il excelle, il a également publié plusieurs romans : La Cité des permutants, L’Enigme de l’univers, Isolation et Téranésie. Zendegi est paru en langue originale en 2010, et vient d’être publié pour la première fois en français par les éditions du Bélial’.

Révolution iranienne et réalité virtuelle

2012 : Après diverses expériences internationales, dont un passage au Pakistan, Martin Seymour, journaliste politique australien, est envoyé en Iran, à Téhéran, pour suivre l’actualité mouvementée du pays, où le peuple, fatigué de la répression des autorités religieuses, manifeste pour obtenir de nouvelles élections plus démocratiques. La contestation est durement réprimée par le Conseil des Gardiens. Mais après un scandale public impliquant Hassan Jabari, un des membres du Conseil, et après l’assassinat de Dariush Ansari, le fondateur du Hezb-e-Haalaa, un opposant modéré qui soutenait ouvertement les manifestants, la colère gronde et la population se soulève. Le régime est renversé et Kourosh Ansari, le frère de Dariush, est élu président de la République islamique d’Iran.

On suit parallèlement le parcours de Nasim Golestani, réfugiée politique iranienne aux USA suite à l’assassinat de son père, une scientifique qui travaille sur le projet PCH (Projet Connectome Humain), qui cherche à créer un cerveau électronique sur le modèle du cerveau humain.

Black-out temporel pour arriver en 2027-2028. On retrouve Martin, marié avec Mahnoosh, une jeune femme iranienne qu’il avait rencontrée lors d’une manifestation. Ils vivent heureux à Téhéran avec leur fils, Javeed, et tiennent une librairie. Martin est également très proche d’Omar, le parrain de son fils et ancien voisin qui l’avait aidé à mettre au jour le scandale politique de 2012. Le pouvoir en place est toujours religieux, mais plus modéré que le précédent.

Nasim quant à elle a choisi de revenir en Iran, accompagnant ainsi sa mère Saba, qui a été nommée conseillère économique du nouveau président. Elle quitte donc le PCH, et travaille désormais pour Zendegi, un moteur de jeux de réalité virtuelle, qui propose aux participants de s’immerger dans toutes sortes d’univers, et pour lesquels des entités virtuelles basiques sont développées. Nasim cherche à les rendre les plus réalistes possible, et s’inspire pour ce faire de ses travaux sur le PCH.

Cependant le bonheur de la famille de Martin ne dure pas. Martin demande alors de l’aide à Nasim, qui s’avère être la cousine au second degré de Mahnoosh. Il se porte volontaire pour des tests qui permettraient de développer des entités intelligentes plus perfectionnées, qui se rapprocheraient de façon étonnante de leur modèle humain… Mais les recherches de Nasim sur l’intelligence artificielle ne sont pas du goût de tout le monde, que ce soit des fondamentalistes religieux qui crient au blasphème ou les défenseurs de la liberté pour tous, qui dénoncent un esclavage éhonté de ces entités intelligentes. Zendegi est donc l’objet de cyber-attaques visant à compromettre l’avenir de cette entreprise. Martin et Nasim, chacun de leur côté, vont devoir faire face à des choix cornéliens et s’interroger sur la véritable nature de ces avatars virtuels…

Amour paternel et questions d’éthique

La première partie du roman, située en 2012, est consacrée aux problèmes politiques et s’inscrit dans la réalité contemporaine, même si Greg Egan évoque des partis politiques imaginaires. Comme l’auteur le précise lui-même dans la postface, il a cherché à retranscrire l’esprit du temps sans pour autant coller à la réalité, même si le roman a été finalisé en juillet 2009, juste après la réélection de Mahmoud Ahmadinejad. Il s’intéresse également aux nouvelles technologies, web, téléphoniques, réseaux sociaux, qui comme on le sait, ont tenu une place primordiale dans le récent Printemps arabe que nous avons connu en 2011 dans notre réalité. Cette introduction semble donc axer le roman sous un angle fortement politique, où la technologie tient un rôle complémentaire, avec le projet PCH.

Dans cette première partie, on s’imagine également que la musique va jouer un rôle très important : dans la première scène, Martin numérise ses disques et les parcourt avec émotion, et tout au long de ces premières pages des références musicales font surface, comme un leitmotiv, que l’on ne retrouvera pas vraiment dans la seconde partie, si ce n’est au tout début, lorsque Martin inscrit son fils à l’école en tant que membre de l’église de « Saint Coltrane ».

Mais bizarrement, à part pour introduire le back-ground des personnages, on ne voit pas bien le lien entre la première partie (la plus courte) qui se déroule en 2012, et la seconde qui se passe en 2027-2028. Certes, dans la seconde, l’auteur évoque la manière différente dont Martin et Omar appréhendent le monde, la politique, la religion, le rapport aux femmes etc. Les différences religieuses et de mode de vie sont donc passablement évoquées.

Le reste de la seconde partie en revanche se concentre plutôt sur la création des entités virtuelles, d’après la structure neuronale du cerveau humain, et pose le questionnement philosophique du droit à créer un être pensant. Le fait que ces avatars soient capables de prendre vie à la demande et de réagir comme un être humain dans certains types de circonstances leur confère-il le statut de personnes ? Le fait qu'ils n’aient aucune mémoire, qu’ils ne se souviennent pas de leur vécu, les empêche-t-il d’éprouver véritablement des sentiments ? Autant de questions auxquelles nous n’aurons bien sûr pas tout à fait de réponses exactes, mais qui mettent en avant notre responsabilité dans la création éventuelle de ce type d’intelligence. C’est là que l’on retrouve le Greg Egan que l’on aime, mais malheureusement ces questions ne sont pas assez mises en avant, le texte restant ancré principalement autour de l’histoire tragique de Martin et de son fils.

Et les chapitres sont mal dosés. Par exemple, les parties virtuelles jouées dans Zendegi par Martin et Javeed sont trop longues, prennent trop le pas, essoufflent notre patience et nous détournent des véritables enjeux. En effet, voir Javeed jouer le rôle d’un commis de cuisine pour démasquer un démon n’est pas forcément des plus passionnants. Greg Egan a certainement voulu exprimer l’émotion et le lien fort unissant un père à un fils - qui ne peut être reproduit de façon aisée par une copie virtuelle -, mais ces passages sont plutôt ennuyeux et trop nombreux.

On parcourt donc deux sujets différents dans les deux parties de Zendegi, et la seconde reste trop ancrée sur l’histoire de Martin et Javeed. Certes, ce roman est de ce fait beaucoup plus facile d’accès que les autres textes de Greg Egan. Les concepts évoqués le sont de façon très simple, et sont directement liés à l’émotion du personnage principal. Mais c’est dommage car on n’atteint pas le degré habituel d’idées frappantes qui caractérisent l’auteur, comme s’il avait volontairement restreint tout cela pour essayer de nous proposer un roman somme toute plus passe-partout. Peut-être Greg Egan a-t-il voulu livrer un texte correspondant à une émotion plus personnelle ?

Ne compte pas parmi les meilleurs textes de l’auteur


Si Greg Egan s’intéresse toujours, avec Zendegi, à son sujet de prédilection, à savoir le cerveau humain, ses mystères et ses possibilités, les questionnements qu’il soulève sont moins puissants que dans ses précédents romans et que dans ses nouvelles, avec lesquelles il était au summum de son art. Ses idées sont en partie trop délayées dans une histoire qui ne parvient pas vraiment à nous accrocher. Quoi qu’il en soit, les thématiques abordées ici demeurent intéressantes.

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