Christos Gage est un scénariste de comics bien installé aux USA. Depuis 2002, il a scénarisé quelques films, ainsi que bon nombre de bandes dessinées, participant à des séries sur les Avengers, Civil War ou les X-Men. Avec Absolution, il brise le carcan habituel des comics de superhéros, la dualité Bien/Mal tout en gardant la plupart des codes du genre.
Roberto Viacava, plus jeune dessinateur, assure le dessin des six épisodes de la série Absolution.
Se libérer...
John Dusk est au service de la justice. Son travail consiste à traquer les supervilains et de les arrêter. Participant au Bureau des Affaires Supra, il vit avec une collègue de la police. Tout va bien, malgré les doutes et les envies d'une justice plus expéditive qui lui traverse parfois l'esprit comme tous ses amis. Jusqu'au jour où, pour se défendre, il blesse mortellement celui qu'il vient arrêter.
Alors que ses pouvoirs lui permettaient de sauver la vie de sa victime, il choisit de le laisser mourir, horrifié par l'horreur des actes commis par cet homme. À partir de là, la descente aux enfers commence et il devient un tueur de monstres, assassinant tous ceux qui risquent d'échapper à la justice. L'esprit torturé, entre remords au début et flash-back de victimes, il bascule dans un univers moral personnel justifiant ses actes. Même une fois qu'il se trouve découvert, il ne peut renier ses actes et se retrouve à combattre ses propres amis, dont certains se retrouvent eux aussi pris en tenaille entre leur moralité, leur loyauté et l'admiration qu'ils éprouvent pour celui qui a choisi de rendre concrètes les pulsions qui les agitent.
Une belle étude
Parfois, un récit peut tenir sur un simple « et si... ». Une sorte de tabou a longtemps pesé sur les superhéros. Un « gentil » ne peut pas basculer dans le crime, postulat que commencent à remettre en cause les nouveaux auteurs. Christos Gage, lui, passe la frontière et se pose la question « et si... ». À partir de là, il construit un enchaînement inéluctable, une plongée dans le noir pour son héros, au début pur et « bon » comme il se doit. La chute n'est pas belle à voir : l'album est parsemé de scènes de violence, d'autant plus dures qu'elles sont dessinées de manière simple, sans exagération ni emphase dramatique particulière par Viacava - qui fait un excellent travail graphique. Le héros trébuche et chute tandis que l'homme en lui se libère de ses chaînes morales, une très belle vision, très humaine.
Ce qui rend d'autant plus marquant le travail réalisé pour cet ouvrage est le parallèle que l'on peut faire avec tous les actes - réels ceux-ci - qui surviennent outre-Atlantique, tueries et massacres perpétrés soudainement par des personnes dont, justement, les carcans moraux viennent de sauter. Un déchirement leur autorisant une liberté d'action nouvelle, hors du champ des possibles dans un monde policé et civilisé.
Une belle idée, correctement menée au bout, dans la même lignée que Irrécupérable.