Dernières nouvelles de l'enfer
On connaissait Jérôme Leroy en tant que journaliste, écrivain, et même directeur de la collection, "Novella SF" aux éditions du Rocher, de 2004 à 2007. Dans Dernières nouvelles de l’enfer, on le découvre grand amateur de séries B et autres récits d’horreur… pour notre plus grand plaisir ! Et comme il est généreux, il nous offre une quarantaine de petites pépites destinées à nous épouvanter… et nous faire marrer aussi !
Hommage au genre
Fans d’horreur, ce recueil est pour vous ! Et pour les novices, ça ne peut que vous donner envie de visionner les grands classiques du genre. Car Dernières nouvelles de l’enfer est un hommage aux films d’horreur, d’épouvante. De Romero à Wes Craven, en passant par Jean Rollin ou Hideo Nakata, Leroy invoque les maîtres du genre, pour mieux les détourner. Chaque courte nouvelle possède ainsi une épître dédicatoire censée vous mettre la puce à l’oreille et vous faire deviner là où vous mettez les pieds. Exemple : la nouvelle « Attention au chat ! » dédiée à un certain Edgar Allan Poe. Car Leroy rend aussi hommage à des écrivains (même le très classique Marcel Aymé) et à des acteurs. Concernant ces derniers, la première nouvelle, absolument bluffante, est dédiée à la sublime Daryl Hannah, la réplicante de Blade Runner. En quatre pages sublimes, le décor est planté et on se retrouve dans le Los Angeles de 2019 où il pleut sans cesse. Car là où beaucoup de nouvelles pêchent par leur manque de rythme et d’originalité, Leroy arrive réellement à nous surprendre et nous divertir avec des codes pourtant bien rodés !
Gore n’ drôle
Une des choses les plus marquantes dans ce recueil est que chaque nouvelle a son propre intérêt, que ce soit par son côté décalé, ou sa chute. Il n’y en a pas dix efficaces et le reste potable. Non. Chose rarissime dans un recueil – surtout qu’il y en a une grosse quarantaine ! - toutes ont leur intérêt. Pour peu que vous adhériez à leur traitement ultra-rapide, vous risquez de tout dévorer d’une traite. Ne dépassant jamais quatre pages recto-verso, l’auteur arrive à capter l’essence d’un genre : histoire de vampires, de zombies, d’enfants possédés, d’extraterrestres… pour mieux le détourner ! Vous imaginez Freddy Krueger qui va pointer au chômage ? Vous vous êtes toujours demandé qui était le père de Carrie ? Réponse dans « Carrie, pretty baby ». On a même droit à la « Biographie non autorisée » de Jason Voohrhees ! Et au milieu d’un passage gore, on a la charmante surprise de trouver encore un poil d’humour : « [Jason] Ce petit sournois haut comme trois pommes est arrivé derrière nous bruit et il a planté un gros clou rouillé dans la fesse de Bob. Bob a hurlé, lui a couru après, mais il avait son pantalon aux pieds, le cul en sang, il faisait nuit et il s’est étalé par terre. »
Le mélange comique/gore ... c’est à ça qu’on reconnait un bon film d’horreur, non ? On adore aussi la nouvelle « Les druides d’Acton », complètement délirante, où le retour des anciens dieux en ville crée un sacré bazar : « J’ai ainsi un collègue de chez Sontag & Sontag qui a vu sa Lexus cramée par un type déguisé en cheval alors qu’il allait chercher sa coke chez un dealer d’Hackney. »
Quant à notre société, quand elle ne se fait pas ravager par des hordes de zombies, l’auteur ne peut s’empêcher de mettre en avant ses dysfonctionnements…
Les horreurs de la société
Dans Dernières nouvelles de l'enfer, on a beau être un mort-vivant ou une créature de film d’horreur, on est quand même bien maltraité par la société. Tous ses personnages sont confrontés à des problèmes d’argent, de logement, ou de retraite, comme pour ce cher Freddy. Malheureusement pour lui, la "CMMA", la caisse mutuelle des monstres associés est déficitaire… Le lecteur découvre aussi que Satan est une sorte de trader de cocaïne et que la corruption touche même les vampires puisque le grand Vlad Dracul est à la tête du consortium "Vlad United Company" : « Quand le père Vlad se lève, prend sa douche et va à son bureau de Manhattan, il n’est pas 9 heures du matin, mais il a déjà gagné 3 ou 4 millions de dollars. » Parfois, les monstres sont obligés de se faire justice eux-mêmes comme dans la très réussie « Ah, j’ai un globe oculaire sur l’épaule ? », où un comédien défiguré, exploité toute sa vie par Hollywood se venge de tous les mauvais traitements qu’il a subis.
Cette critique sociale ajoute un petit côté grinçant à ces nouvelles où vous risquez fortement de vous faire avoir par la chute. Jérôme Leroy manie superbement l’art du non-dit et du retournement de situation…
Si on récapitule, on a de l’horreur, de l’humour, un certain cynisme, des twists très efficaces… Alors, qu’attendez-vous pour vous jeter sur ce recueil ?