L'Inclinaison

 

Né en 1943, Christopher Priest a commencé à publier au début des années 1970 (citons Le Rat blanc) et a été remarqué en Grande-Bretagne et en France avec Le monde inverti. Le grand public d’aujourd’hui le connaît grâce au Prestige (1995) qui relate l’affrontement entre deux magiciens, très bien adapté au cinéma par Christopher Nolan en 2006 (Priest en est lui-même satisfait, cf son texte à ce sujet dans le recueil L’été de l’infini, publié au Bélial). Autant influencé par Graham Greene que par Ballard, Priest est fasciné par le thème du double et par les faux semblants de la mémoire. Il excelle aussi dans la description d’une réalité évanescente, insaisissable. Depuis des années, il travaille sur le cycle de l’Archipel du rêve, dans lequel se situent ses derniers romans : Les Insulaires (ou comment marier le guide de voyage et le roman fantastique, osé), L’Adjacent (fantastique !) et maintenant L’Inclinaison. 

 

 

Jeune homme, Alesandro Sussken voit son frère Jacj partir pour une guerre à laquelle son pays, le Glaund, est mêlé depuis des décennies. Les champs de bataille se situent désormais dans les îles, loin du continent. Les îles justement… Alesandro se sent attiré par elles. Compositeur, il écrit des suites et des symphonies de plus en plus appréciées par ses pairs, au point qu’il est plagié par un musicien des îles, And Ante. Alesandro en prend ombrage. Puis il est appelé à une tournée dans les îles et accepte. La tournée se passe bien mais lorsqu’il rentre en Glaund, il découvre que le temps s’est écoulé bien plus rapidement que pour lui. De plus, sa femme l’a quitté et ses parents sont morts. Les pressions du régime militaire en Glaund lui font choisir l’exil dans les îles : Alesandro part alors dans une odyssée qui va le mener beaucoup plus loin qu’il ne l’aurait cru.

 

 

Christopher Priest, cher lecteur, est de ces auteurs dont l’œuvre recèle peu de déchets : L’Inclinaison est une réussite, une de plus dans l’œuvre de cet écrivain dont l’influence sur la fiction contemporaine se fera longtemps sentir. Sans avoir le brio récapitulatif de L’Adjacent (qui avait agacé certains), ce roman est une formidable réflexion sur une relation fraternelle et aussi sur la perception du temps. Alesandro cherche, au bout d’un moment, à braver le temps grâce à la physique particulière de l’Archipel du rêve, pour retrouver à tout prix ce frère dont la disparition a scellé l’histoire de sa famille. Voilà un beau roman qui enthousiasmera les lecteurs, fans de science-fiction, de fantastique ou non.