Quand Stephen King décide d’écrire un conte de fées
En 1987, King est devenu un très gros vendeur de livres. Le Fléau (1978), Dead Zone (1979), Simetierre (1983) et Ça (1986) l’ont installé au sommet des ventes. Et Hollywood s’est intéressé à lui : Cronenberg a adapté avec succès Dead Zone, Kubrick a fait Shining (un chef-d’œuvre malgré l’avis de l’auteur) et Carpenter a donné Christine. En 1987 pourtant, King sort Les Yeux du dragon, un ouvrage qui se veut un conte de fées. Selon la légende, l’auteur s’est rendu compte que sa fille ne pouvait lire aucun de ses livres et a décidé d’adapter son talent à ce genre stéréotypé (mais pas plus que l’horreur si on réfléchit bien). Exercice de style ou vraie réussite ?
Autrefois, dans un lointain royaume…
Le royaume de Delain vit des heures paisibles. Roland est son roi, un vieux roi, brillant chasseur et tueur de dragon. S’il n’a jamais brillé par son intelligence, il s’est efforcé d’être juste, malgré l’influence de son magicien, Flagg, universellement craint. Marié sur le tard, Roland a eu deux fils, Peter et Thomas. Autant Peter est grand, beau, intelligent, autant Thomas est faible, courtaud, stupide (et en plus, sa naissance a causé la mort de Sasha, l’épouse aimée de Roland). Flagg craint Peter, qu’il sait capable de le chasser de Delain dès son avènement. Flagg monte alors une machination, devant remplacer Peter par Thomas, bien plus malléable, en faisant accuser le premier du meurtre par empoisonnement de Roland. Mais les choses ne se dérouleront pas comme l’avait escompté Flagg au bout du compte…
Une œuvre mineure, typique et sympathique
À première vue Les Yeux du dragon peut dérouter l’amateur de King. Comme annoncé, l’univers du roman se rattache au conte de fées, voire à la fantasy. Pourtant, l’horreur affleure ici et là, d’abord via le personnage de (Randall) Flagg, qu’on retrouve dans plusieurs romans (Le Fléau !) ou nouvelles de l'auteur. Flagg incarne le mal rampant, qui prend son temps pour s’immiscer, s’incruster dans la Réalité. Il rappelle par là le clown de Ça. Quant à Thomas, il rappelle d’autres figures de l’œuvre de King, comme Harold Lauder dans Le Fléau : poussé par son ressentiment envers son père qui lui préfère Peter, Thomas se fait le complice de Flagg. On ne criera pas au chef-d’œuvre mais on peut prendre beaucoup de plaisir à la lecture de ce livre si on adhère à la démarche du maître de l’horreur. Et puis King sera toujours King !