Trois saisons en enfer

Mohammad Rabie - Trois saisons en enfer

Mohammad Rabie est né au Caire en 1978. Ingénieur de formation, il est l'auteur de trois romans. Trois saisons en enfer a été nommé en 2016 dans la "short list" de l'International Prize for Arabic Fiction (IFAP).

L'enfer est sur terre et non dans l'au-delà

En 2025, alors que Le Caire est occupé par l'armée des Chevaliers de Malte, une résistance violente se met en place. Otared fait partie de l'un d'eux, sniper au sommet de la tour du Caire, il est chargé d'éliminer les chefs ennemis. Trois saisons en enfer suit entre autres le parcours du protagoniste à trois périodes charnières d'une issue dystopique découlant du Printemps arabe.

Un récit d'une horreur insoutenable

Autant être claire tout de suite, c'est la première fois que je me suis forcée à volontairement faire des pauses dans ma lecture pour supporter le récit que j'étais en train de lire. Pas parce qu'il était mauvais, non loin de là, c'est tout simplement parce que la violence et l'horreur décrite est tellement crue qu'il a été préférable pour moi et pour ma santé mentale de ne pas m'infliger le récit pendant trop longtemps d'affilée. Dès les premières pages nous sommes fixés sur la tonalité du récit à venir, le narrateur nous décrit avec une extrême précision une scène d'abatage pendant l'Aïd. Ainsi, si cette vision peut vous choquer, je peux vous assurer que ce n'est pas un roman pour vous.

Trois saisons en enfer est une expérience troublante, un poil traumatisante et marquante sur ce qu'on se base comme "supportable". Le récit ne présente pas une once d'optimisme, c'est même de mal en pis. Nous sommes dans un univers effroyable, injuste et cruel, où la violence est omniprésente. Nous assistons à des meurtres, des suicides et des viols. Il vous testera encore davantage et mettra vos nerfs à vifs, testant votre capacité à imaginer ce que vous ne voulez surtout pas concevoir. Mettant suffisamment de pathos pour que le lecteur se sente impliqué dans le récit et ses protagonistes pour tout simplement anéantir toute notion d'espoir, de joie et de justice. L'âme humaine est pourrie, nous sommes tous pourris, et si l'apocalypse arrive, c'est bien fait pour nous.

Du coup, je suis un peu embêtée. Je constate avec un grand désarroi que je ne peux pas dire que j'ai "aimé" ce livre, car peut-on aimer l'insoutenable ? Je dirais juste qu'il m'aura marqué durablement pour ce qu'il est. En dehors de l'horreur, s'il est possible d'y faire abstraction, c'est un récit avec une belle écriture. On sent l'engagement personnel de l'auteur à travers cette dystopie pour faire passer ses idées et une critique sociétale assez rude de son pays. Après la lecture j'ai eu envie d'en apprendre plus sur l'Egypte actuelle. Et c'est probablement pour cela qu'il s'agit d'un bon roman. Effroyable, mais bon.