mateur d’art antique égyptien, collectionneur d’armes en tous genres, chanteur lyrique amoureux de la scène… Avant d’être le créateur de Blake et Mortimer, Edgar P. Jacobs est un homme d’une grande curiosité, animé par des passions nombreuses qui ont toute sa vie transporté son imagination. Ainsi, à 18 ans, il se rêve davantage en chanteur d’opéra qu’en dessinateur de bande dessinée. Malgré un passage à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles, il préfère considérer le dessin comme un gagne-pain et non comme une véritable vocation. Mais la guerre arrive et dans les années 1940, les Allemands exigent que le contenu de la série américaine Flash Gordon soit repris et modifié. La tache revient à Jacobs qui fournit ensuite au journal les planches de sa première série : Le Rayon U. Plus tard, il rencontre Hergé, l'assiste sur Tintin – sans jamais être crédité – et finit par créer les aventures de deux héros anglais appelés à devenir des incontournables du genre : le colonel Francis Blake et le professeur Philip Mortimer. La bande dessinée est devenue son art et son métier, mais l'histoire de Jacobs ne s’arrête pas là...
À l'occasion de l'anniversaire de la première publication des aventures de Blake et Mortimer dans le journal Tintin il y a 75 ans, voici le portrait biographique de l’un des plus grands auteurs du Neuvième Art. François Rivière, qui s’est longuement entretenu avec le maitre de son vivant, y raconte l'artiste au travers de nombreuses et fascinantes anecdotes qui ont constitué la vie de l’auteur belge. Philippe Wurm, l'un des héritiers évidents et revendiqués de la ligne Jacobs, met en scène cette fascinante destinée « à la manière de », d'un trait fin et précis confondant de mimétisme.
L’hommage à un maître de la bande dessinée
Edgar P. Jacobs (1904-1987), créateur de la série Blake & Mortimer et un temps collaborateur d’Hergé, fut un des génies de la bande dessinée franco-belge et l’un des initiateurs de la ligne claire, style très décrié pourtant très difficile à reproduire. Romancier, François Rivière a autrefois rencontré Jacobs et lui a rendu hommage avec un court récit graphique, La fiancée du docteur Septimus. Ici, il adécidé d’écrire sa biographie… en bande dessinée, finalement le plus bel hommage qu’on peut lui rendre. Il s’associe ici à Philippe Wurm, dessinateur qui justement s’est ancré dans le style de la ligne claire, comme le grand Ted Benoît avant lui.
Une vie en bande dessinée
Lorsqu’on a lu les mémoires de Jacobs, Un opéra de papier, on a aucun mal à voir que les deux auteurs se sont très bien documentés sur la vie de leur héros. Jacobs se voyait une carrière dans l’opéra comme baryton mais il ne perça jamais. Par contre, il rencontre du succès comme illustrateur, dans la publicité ou les journaux. Perfectionniste, Jacobs est remarqué par Hergé qui l’embauche dans son équipe. C’est lui qui refond et colorise Le lotus bleu ou Le sceptre d’Ottokar. Il participe aussi à l’élaboration des Sept boules de cristal ou du Temple du Soleil. Jacobs créée ensuite Blake et Mortimer. L’album de Rivière et Wurm nous montre un créateur plutôt humble, amoureux des femmes, un peu malmené par ses éditeurs. Il est aussi enchanté quand il voit des enfants se passionner pour ses héros. Et il y a de quoi lorsqu’on pense à la qualité du secret de la pyramide ou de La marque jaune. Les planches représentant ses rêves et ses cauchemars, ouvertement inspirés de certaines scènes de sa série fétiche, sont superbes.
Un excellent album qui démontre la permanence de l’œuvre de Jacobs et de la ligne claire.
Sylvain Bonnet