Dis-moi ce que tu écoutes, je te dirai ce que tu dois lire…

L’imprésario des Nazgûl, un groupe de rock aujourd'hui dissous, est retrouvé mort, le cœur arraché. Ce meurtre en soulève un autre, plus ancien, celui non élucidé du chanteur du groupe, tué en plein concert au début des années soixante-dix. Sander Blair est un auteur face à la page blanche. Pour oublier son roman qui n'avance pas, il remet sa casquette de journaliste pour mener sa propre enquête sur les meurtres qui frappent le groupe des Nazgûl et qui sait, en tirer peut-être un livre. Mais les choses vont se compliquer au-delà de ses attentes… et du rationnel.
L'auteur du trop célèbre Trône de fer montre qu'il maîtrise à la perfection l'intensité dramatique d'une histoire. Thriller oscillant du côté du fantastique, road movie qui nous longe dans l'Amérique et de ses fantômes comme le Viêt-Nam, Armageddon Rag est un récit référencé qui nous offre en prime des suggestions de morceaux de musiques à écouter au début de chaque chapitre. Alors, il n'y a plus à hésiter, montez aux côtés de Sander Blair sur les routes américains dans une enquête qui pourrait bien vous mener jusqu'à l'apocalypse…

Doc Défonce va chercher sa copine mexicaine qui a passé sa soirée dans une generator party illégale dans le désert de Californie. Le premier problème : elle a disparu. Le second, les festivaliers encore présents, loin de l'aider, le laissent pour mort en plein soleil. Arrive Mike Lee in extremis pour le tirer de ce mauvais pas. Ce redneck cherche sa sœur, disparue elle aussi. Les deux hommes vont alors remonter la piste ensablée d'un groupe de stoner mexicain qui semble à l'origine d'étranges évènements.
Un second road movie avec ce roman de Julien Heylbroeck. S'il est tout aussi référencé que le Armageddon Rag de Georges R. R. Martin, Stoner road lorgne davantage sur les films d'action heroes des années 80 avec Sylvester Stallone ou Kurt Russel. Ça sent la sueur et la testostérone, l'amitié y est virile, et la musique, underground. Une plongée dans le désert à la découverte du stoner mais aussi des mystères d'un groupe mexicain dont la magie n'est peut-être pas que dans sa musique…

Les membres des God Dog, un groupe de rock, sont de retour dans leur ville natale : Rotor City. Ils vont y clôturer par un dernier concert leur tournée mondiale de huit ans. Ce qui devrait être une apogée s'avère au finale se diriger vers une fin : Mik, le chanteur de God Dog, annonce qu'il quitte le groupe. C'est l'effervescence et l'incompréhension chez les autres membres. Pendant ce temps, Kim une fan inconditionnelle du groupe, part en quête du pass "all access" censé lui ouvrir les coulisses du P-Drome afin d’accomplir l'étrange mission qui lui a été confiée…
Véritable roman de chaos magic, GIG est un ovni littéraire dans sa forme. Il propose en effet deux novellas têtes bêches : l'une où l'on suit Kim, la fan, et l'autre, Mik, le chanteur. Les deux récits se répondent et se complètent. D'ailleurs les titres des chapitres de l'un sont des palindromes de l'autre (chapeau à la traductrice, Mélanie Fazi, qui a su garder ces palindromes dans la version française !). Un roman où le fantastique est subtil et discret, et où la musique s'insinue peu à peu jusqu'au dernier chapitre. Un must qui a été publié par la défunte maison d'édition griffe d'encre.

Elliot, un bassiste, rencontre un groupe de musique électro qui a une méthode pour enregistrer le son sous forme liquide. Le son peut alors être remixé simplement en le secouant. Une évolution qui ouvre des possibilités infinies aux membres du groupe, allant même jusqu'à se droguer au son avec cette musique liquide. Jusqu'au jour où le batteur disparaît… Commence alors une enquête pour le retrouver.
L'écriture de Jeff Noon est exigeante et nous donne immédiatement le la : les chapitres sont autant de chansons, les phrases sont rythmées par des "slashs", presque scandées. A travers le passé de ses héros, il nous offre une plongée dans l'histoire du rock des années soixante-dix, mais aussi dans celle de la drogue et de l'historie de Manchester avec ses groupes "maudits". Cerise sur la gâteau : une bande originale (voix et paroles de Jeff Noon, musique de David Toop) est offerte avec le livre pour que l'immersion soit complète pendant la lecture.

Le Général De Gaulle a été assassiné le 17 octobre 1960, au matin, alors que sa DS passait le long de la Croix de Berny. Du coup, l'histoire de la France et de l'Algérie basculent. Il n'y aura pas de putsch des généraux, ni d’accords d’Évian, et les régions Alger et d'Oran restent des départements français.. Retour au présent, à Alger, où un collectionneur de disques entend parler d'un vinyle mythique avec le titre "Rêve de gloire", une pièce rare des années soixante-dix sur les traces de laquelle il va se lancer.
Uchronie dense de sept-cents pages, Rêves de gloire est LE grand œuvre du défunt Roland C. Wagner. Véritable récit polyphonique aux multiples voix, le roman revisite l'histoire de l'Algérie à travers les Vautriens, un mouvement alternatif. De Timothy Leary et la drogue en passant par la politique, et bien sûr, la musique, Roland C. Wagner tisse un tableau bluffant de cette France/Algérie uchronique, sans jamais nous perdre. Et si le trip ne vous suffit pas, vous pourrez vous replonger encore un peu dans cet univers avec Le Train de la réalité, de courts textes qui sont autant de faces B de Rêves de gloire.
Et la musique en fantasy, c'est du pipo peut-être ?
Cette sélection fait référence à des romans de science fiction, mais la fantasy, bien entendu, fait également la part belle à la musique dans ses récits. On peut citer Le Nom du vent de Patrick Rothfuss et sa Musique du Silence, mais aussi Les Chroniques des crépusculaires de Mathieu Gaborit où la magie des danseurs côtoient celle de la musique ou encore les Accros du Roc de Terry Pratchett, dans l'univers déjanté du disque monde.
Et pour ce qui est du pipo...
BONUS TRACKS par Jérôme V.
Rock N Roll : Le Temps du Twist de Joël Houssin
Antonin est un jeune homme tout à fait normal, déprimé et désespéré. Alors qu’il va fêter sombrement ses seize ans, il est entraîné dans un monde alternatif où Led Zeppelin n’existe pas... encore... Un roman qui s’écoute comme on conduit une décapotable, avec Kashmir et Whole Lotta Love à fond.
Dream pop : La mort peut danser de Jean-Marc Ligny
Rarement un roman n'aura autant collé à un groupe de musique puisque les chansons de Dead Can Dance ont été une des sources d'inspiration de La mort peut danser, avec les légendes celtiques. On y suit les aventures dans les années 80 d'un couple de musiciens qui ont un succès considérable dans leur manoir... Sauf que la voix de la chanteuse semble venir d'ailleurs...
Acid blues : Fugues Lewis Shiner
Ray Shackleford voit sa vie basculer à la mort de son père. Il se découvre le pouvoir de se projeter dans l'univers de ses groupes favoris. Et le pied est encore plus grand lorsqu'on lui propose d'enregistrer un album inédit des Doors. L'orgasme cosmique pour tous les amateurs de rock... Un roman d'une belle finesse sur le deuil et la musique par un auteur un peu oublié par chez nous...
Punk rock : Le Club des punks contre l’apocalypse zombie de Karim Berrouka
Les zombies ont envahi Paris... Seul un groupe de punks enfermé dans un squat survit à l’apocalypse. Et quand ils jouent du punks, les zombies semblent pris d’étranges convulsions. Et s’ils dansaient ? Un roman délirant avec une playlist spéciale à écouter (fort) pendant que vous parcourez ses pages...