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Dimension Uchronie n°1 - L'interview de Florie Vignon
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Dimension Uchronie n°1 - L'interview de Florie Vignon

A l'occasion de la parution de l’anthologie Dimension Uchronie 1, dirigée par Bertrand Campeis, aux éditions Rivière Blanche, Florie Vignon revient sur l'écriture de sa nouvelle, Gengis.

Actusf : Bonjour, Pourriez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours en tant qu'écrivaine ?

Florie Vignon : Je m’appelle Florie, et j’explore les possibles avec optimisme à travers mon art. Je suis à la fois écrivaine de SF et polar, mais aussi poétesse, illustratrice en apprentissage, créatrice de contenu sur internet et chef de communication en France pour un studio de jeux vidéo.

L’écriture est un moyen d’expression qui me suit depuis la petite enfance, où j’ai toujours énormément lu et beaucoup expérimenté avec l’écriture. Dans ma vingtaine, j’ai été rattrapée par l’esprit rationnel de notre époque et j’ai un peu délaissé l’écriture créative pour me tourner vers un diplôme de communication. J’ai ensuite commencé à travailler dans le jeu vidéo.

À mesure que je gagnais en maturité et en confiance en moi, j’ai décidé de renouer avec l’écriture et j’ai osé me lancer dans une carrière d’artiste. Ainsi, j’ai laissé un CDI pour me construire un quotidien d’indépendante qui me laisse le temps d’écrire. J’ai commencé l’aventure de l’édition avec les nouvelles, dont Gengis (un grand merci à Bertrand, l’anthologiste extraordinaire, pour m’avoir laissé ma chance), et deux romans sont actuellement en chemin vers la publication à leur tour. Je continue à travailler dans la communication, mais tant que je peux vivre en écrivant, je suis contente !

Actusf : Comment avez-vous découvert l'uchronie ? Y a t-il une œuvre qui vous a marqué profondément ?

Florie Vignon : J’ai découvert l’uchronie, avant de connaître le terme, notamment à travers les séries télévisées. Je me souviens notamment de la série Sliders, qui mettait en scène un groupe de scientifiques coincés dans les différentes dimensions parallèles de la Terre. J’adorais découvrir une nouvelle Terre alternative à chaque épisode, et j’ai beaucoup aimé ce concept d’imaginer une autre réalité si un point de l’histoire avait divergé.

J’aime aussi les récits d’uchronie personnelle, où le personnage imagine une vie différente s’il ou elle avait fait un autre choix par le passé. C’est le genre d’histoire qui nous interroge sur nos choix de vie déterminants, et sur l’arbre des possibles qu’il nous reste à explorer dans le futur.

Actusf : Pourriez-vous nous expliquer comment vous êtes entré dans l'aventure Dimension Uchronie ?

Florie Vignon : J’ai entendu parler du projet par Bertrand Campeis, l’anthologiste à l’origine du projet, au détour d’une conversation. Je me suis souvenue d’un concept qui m’est venu à la lecture du livre d’économie « Le monde est clos et le désir infini », par Daniel Cohen. Dans un chapitre autour de la révolution industrielle, il explique que les Anglais ont fait leur révolution industrielle grâce au charbon, une nouvelle source d’énergie qui a permis le développement de nouveaux moyens de production. L’empire chinois, qui a pourtant longtemps été en avance sur l’Europe, s’est fait coiffer au poteau.

Daniel Cohen explique rapidement la raison de ce retard : le charbon se trouve au nord de la Chine. Or, Gengis Khan, en conquérant le nord de la Chine au XIIIème siècle, a poussé le pouvoir impérial au sud du pays, où il n’y a pas de charbon. Mais alors, si Gengis Khan avait été vaincu et si le pouvoir impérial chinois était resté dans les régions riches en charbon, la Chine aurait-elle vécu sa révolution industrielle avant l’Angleterre ?

J’ai repensé à cette étincelle d’inspiration lorsque Bertrand m’a parlé de son projet d’anthologie, et c’est ce qui a donné naissance à la nouvelle Gengis, que j’ai proposé pour Dimension Uchronie.

Actusf : Comment s'est passé l'écriture de votre nouvelle ?

Florie Vignon : En fonction des projets, l’inspiration initiale n’est pas toujours la même. Ici, c’est à partir du Point de Divergence que l’idée est venue. J’ai ensuite imaginé ce que pourrait être devenue l’Europe, et la France, si nous avions été les colonisés plutôt que les colons.

Et comme j’aime beaucoup écrire des mystères, notamment ce que les anglophones appellent les « cosy mysteries », c’est-à-dire des meurtres menés par des enquêteurs raffinés, tranquilles et réfléchis, j’ai donné naissance à la comtesse Clothilde de Carladès, et à une intrigue qui permet d’évoquer la défaite de Gengis Khan aux lecteurs et lectrices.

À partir de cette trame, j’ai rédigé la petite enquête en quelques jours à peine, avant de la faire relire à des bêta-lecteurs, c’est à dire des lecteurs de la première heure qui m’aident à corriger et améliorer le texte grâce à un regard extérieur. Enfin, je l’ai proposée à Bertrand, en espérant que la qualité du texte lui conviendrait. Le plus dur dans l’écriture d’une nouvelle, c’est de respecter le nombre de signes maximum demandés par l’anthologiste !

Actusf : Pourriez-vous expliciter votre uchronie en nous parlant de son Point de Divergence ?

Florie Vignon : Le principe de Gengis, c’est donc que le conquérant Gengis Khan, au lieu de vaincre la dynastie du nord de la Chine, s’est fait battre par les Chinois au début du XIIIème siècle. Ainsi, le pouvoir impérial est resté au nord du pays, où se trouvent les gisements de charbon. C’est ce qui a permis aux Chinois de commencer leur révolution industrielle plusieurs siècles en avance.

J’ai donc imaginé un monde inversé : c’est l’extrême orient qui s’est développé avant nous, et qui a colonisé l’Afrique, l’Australie et conquis les pays d’Europe. Gengis se passe au début du XIXème siècle, mais avec un niveau technologique qui serait assez similaire au nôtre aujourd’hui, vu que la révolution industrielle a eu lieu trois siècles en avance. Du coup, non seulement la France n’a connu ni révolution ni république, mais nous sommes devenus les ouvriers qui fabriquent les automates pour les classes moyennes chinoises et japonaises.

Ensuite, je me suis amusée à imaginer à quoi ressemblerait cette France à la fois monarchique et influencée par la culture orientale, aussi bien au niveau culturel que technologique. On y retrouve un certain côté steampunk du coup, avec un mélange de vapeur, d’énergie solaire, d’automates et de gratte-ciel façon art déco comme le New York des années 30…

Actusf : Y-a-t-il un message que vous souhaitiez faire passer en l'écrivant ?

Florie Vignon : Je pense que tout écrivain fait passer un message, ou au moins des valeurs à travers ses histoires, que ce soit volontaire ou pas. Pour Gengis, j’ai avant tout voulu m’amuser avec cette France uchronique en imaginant un univers original, loin des classiques de la fantasy médiévale ou de la science-fiction d’anticipation.

Mais à travers cette histoire de meurtre d’ouvrier et de groupe dissident qui refuse de travailler pour enrichir les pays développés, évidemment que j’évoque la situation des ouvriers qui, de nos jours, fabriquent nos objets de consommation au détriment de leur famille, leur santé et parfois leur vie. Même si j’ai voulu le message discret dans une histoire plutôt légère, j’ai trouvé intéressant d’aborder les limites de notre économie consumériste à travers ce monde où le pouvoir est inversé entre Orient et Occident.

Actusf : Travaillez-vous sur d'autres projets uchroniques ou souhaitez-vous en faire à nouveau par la suite ?

Florie Vignon : J’avoue que je me suis beaucoup amusée à créer Clothilde de Carladès et à donner vie à cette France uchronique. Du coup, il est tout à fait possible que ces personnages reviennent dans d’autres enquêtes, peut-être dans un format plus long pour permettre au mystère de se développer un peu plus en profondeur.

Actusf : Les mots de la fin vous appartiennent, c'est à vous !

Florie Vignon : Merci infiniment pour cette opportunité d’interview. J’espère que vous y avez trouvé de la valeur, et que vous apprécierez la lecture de Dimension Uchronie, si vous ne l’avez pas encore lu !

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