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Dimension Uchronie n°1 - L'interview de Tesha Garisaki
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Dimension Uchronie n°1 - L'interview de Tesha Garisaki

A l'occasion de la parution de l’anthologie Dimension Uchronie 1, dirigée par Bertrand Campeis, aux éditions Rivière Blanche, Tesha Garisaki revient sur l'écriture de sa nouvelle, Le Festival des Dragons de Tenochtitlan.

Bertrand Campeis : Bonjour, Pourriez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours en tant qu'écrivaine ?

Tesha Garisaki : Bonjour, je me présente souvent en disant qu’enfant j’avais deux rêves, devenir magicienne et écrivain. En grandissant, j’ai étouffé ces ambitions sous une bonne couche de réalisme, mais sans pour autant cesser d’être attirée par ces domaines-là. Une couche de réalisme ne devait pas suffire pour mon esprit naturellement fantasque, toutefois, parce qu’après le bac j’ai trouvé pertinent pour mon avenir professionnel d’étudier l’anthropologie de la magie. Le chômage me tendait les bras, mais c’était incroyablement passionnant. Ça m’a appris que la réalité n’est qu’une affaire d’interprétation, et que dans ce domaine l’humain est créatif, très créatif. Je me suis vite rendu compte que je passais les cours à écouter très attentivement ce qui se disait tout en essayant, en même temps, de construire des univers fictifs pour inclure ce que j’apprenais. S’en est suivi un paquet d’années de fouettage de chats intensif, et je n’ai finalement concrétisé le mélange de mes deux passions qu’en 2011 avec trois nouvelles dont De spiritiS, inspirée en partie par un cours en histoire de l’ésotérisme qui m’a beaucoup marquée. Cette nouvelle a été très vite publiée et a eu un petit succès très encourageant. J’en ai écrit une cinquantaine d’autres depuis, dont beaucoup qui traitent de tout autres thèmes que la magie ou l’ésotérisme, comme le rapport humain/IA (je suis assez fière de La Frontière des Rêves, parue dans l’anthologie « L’Homme de demain » aux éditions des Artistes Fous Associés), la transidendité, le lien social en temps de famine… Depuis trois ans environ, je me concentre sur une série de nouvelles d’urban fantasy, dont le titre de travail est « Chroniques de Mannaz ». Le Festival des Dragons de Tenochtitlan en fait partie.

Bertrand Campeis : Comment avez-vous découvert l'uchronie ? Y a t-il une œuvre qui vous a marqué profondément ?

Tesha Garisaki : J’ai découvert l’uchronie ado avec les séries Sliders et Code Quantum, les films Retour vers le futur et Terminator. En littérature ça a été Darwinia, de Robert Charles Wilson, qui m’a plus marquée par son atmosphère que par l’uchronie en elle-même. J’ai une préférence pour les uchronies personnelles, et à ce titre le film Mr Nobody m’a beaucoup plu.

Bertrand Campeis : Pourriez-vous nous expliquer comment vous êtes entrée dans l'aventure Dimension Uchronie ?

Tesha Garisaki : Quand Bertrand Campeis a lancé l’appel à textes, il avait déjà lu un texte de la série sur laquelle je travaille, qui se déroule dans un univers d’urban fantasy qui est uchonique, mais dans une ville créée de toutes pièces, ce qui était jusqu’ici assez confortable. Cet univers postule, entre autres, que les empires aztèque et dogon sont des puissances contemporaines. À la base, il s’agit d’un caprice qui me laisse la possibilité de m’amuser avec des théories magiques/ésotériques non-européennes, des options que je me donne dans cet univers-là. À ce moment-là je jouais aussi à Shadowrun, et Aztecnology m’obsédait un peu. J’ai donc contacté Bertrand pour lui demander si une nouvelle dans l’univers de Mannaz, mais se déroulant à Tenochtitlan entrerait dans la ligne éditoriale de son projet (ça aurait été risqué de l’écrire avant de demander…). Plus tard, je l’ai recontacté pour l’informer que le texte serait plutôt… long, et il a à peine bronché. J’ai donc retroussé mes manches.

Bertrand Campeis : Comment s'est passé l'écriture de votre nouvelle ?

Tesha Garisaki : Comme il s’agissait de mettre en scène Tenochtitlan, mais de nos jours, il a fallu que je fasse beaucoup de recherches sur ce qu’était Tenochtitlan, l’histoire de la ville, des aztèques, et me constituer un petit lexique en nahuatl. Comme souvent avec les recherches ça revient à accumuler une masse d’informations pour n’en utiliser qu’une infime partie, mais c’était passionnant. J’ai passé des mois à enquêter tout en essayant d’intégrer tout cela à un univers préexistant. Dans cette optique, utiliser des personnages de touristes pour me permettre une marge de naïveté était assez pratique, restait à trouver un événement qui les incite à faire le déplacement. Pour l’anecdote, l’idée que les dragons se réunissent lors du solstice d’été est une croyance d’un mouvement magique contemporain principalement canadien, qui a une variante japonaise. C’est une idée que j’aime assez, et qui fait donc partie du background de Mannaz au même titre que tout un tas de petites fantaisies récoltées dans d’authentiques grimoires.

Bertrand Campeis : Pourriez-vous expliciter votre uchronie en nous parlant de son Point de Divergence ?

Tesha Garisaki : L’univers des « Chroniques de Mannaz » est en soi une uchronie : au 15ème siècle, des « failles thaumaturgiques » apparaissent en trois lieux de notre monde : à Bandiagara au pays Dogon, à Tenochtitlan au sein de l’Empire aztèque et sur un plateau perdu au cœur des Sudètes. En pleine inquisition, l’événement amène les ésotéristes européens de tout poil à créer dans les Sudètes une cité-état qu’ils nomment Mannaz, tandis que la colonisation de l’Amérique du Sud échoue à cause des divinités aztèques à qui la magie de la faille donne consistance. La colonisation de l’Afrique n’est pas entreprise en raison de la puissance acquise par l’Empire dogon, qui bénéficie d’un âge d’or de la magie arabe. En soi, dans ce projet je travaille surtout à malmener l’histoire de la magie. Le reste du monde, au-delà des failles, là où la magie est absente, connait un développement technologique semblable au nôtre, à quelques nuances près, c’est pourquoi il est possible d’être mage à Mannaz et tenir un vlog grâce à une perche à selfie qui n’a rien de magique.

Bertrand Campeis : Y-a-t-il un message que vous souhaitiez faire passer en l'écrivant ?

Tesha Garisaki : En soi, je cherchais surtout à créer une aventure assez visuelle, mais comme j’ai utilisé des personnages que j’avais déjà mis en scène dans un autre texte, j’avais envie de les faire évoluer au travers d’une prise de conscience : celle qu’ils se mettent trop de pression sur des sujets qui ne participent pas vraiment à leur accomplissement. Sans que ce soit vraiment un message, le texte vante les vertus du lâcher-prise.

Bertrand Campeis : Travaillez-vous sur d'autres projets uchroniques ou souhaitez-vous en faire à nouveau par la suite ?

Tesha Garisaki : Je poursuis mon projet actuel. J’ai dans l’idée que ça va me prendre beaucoup de temps.

Bertrand Campeis : Les mots de la fin vous appartiennent, c'est à vous !

Tesha Garisaki : Merci aux gens qui m’auront lue jusqu’au bout, merci à vous pour ces questions, et merci à Bertrand Campeis, pour ce projet et les gifs de loutres et de pandas roux.

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