A l'occasion de la parution de l’anthologie Dimension Uchronie 2, dirigée par Bertrand Campeis, aux éditions Rivière Blanche, Marc Legrand revient sur l'écriture de sa nouvelle, Antarctique.
Actusf : Bonjour, Pourriez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours en tant qu'écrivain ?
Marc Legrand : Bonjour à vous ! Eh bien, j'ai 42 ans et suis historien militaire de formation universitaire. J'ai toujours aimé écrire ; des textes courts aux romans, en passant par la poésie, plus rarement, et l'écriture de scénarios pour longs-métrages. Mes sujets de prédilection sont assez variés. Ainsi, j'ai récemment publié un recueil de nouvelles, Chambre 224, axé polar / thriller (agrémenté d'éléments propres au fantastique ou à la science-fiction), et une Histoire des services secrets, des origines à nos jours.
Actusf : Comment avez-vous découvert l'uchronie ? Y a t-il une œuvre qui vous a marqué profondément ?
Marc Legrand : Avec la double casquette d'historien et d'auteur, c'était inévitable. Aussi je ne saurais dire à quel moment précis de mon existence j'ai découvert ce genre littéraire à part entière. Probablement avant même l'adolescence, à bien y réfléchir. Mais l'œuvre qui m'a le plus marqué, et en intensité, et sur la durée, est sans doute The Difference Engine (La Machine à différences, en VF), de William Gibson et Bruce Sterling. Comme vous le savez, il y est question d'un monde où les ordinateurs sont apparus cent ans plus tôt, dès le XIXe siècle. L'idée est d'autant plus fascinante que cela aurait pu effectivement arriver, ce qui rend cette œuvre tout à fait remarquable.
Actusf : Pourriez-vous nous expliquer comment vous êtes entré dans l'aventure Dimension Uchronie ?
Marc Legrand : En répondant à un appel à textes très attrayant, puisque le sujet était libre. Alors j'ai tenté ma chance avec ma nouvelle Antarctique.
Actusf : Comment s'est passé l'écriture de votre nouvelle ?
Marc Legrand : Fort simplement. J'avais le point de divergence en tête. La suite du récit est venue très naturellement, s'imposant telle une évidence.
Actusf : Pourriez-vous expliciter votre uchronie en nous parlant de son Point de Divergence ?
Marc Legrand : La guerre des Malouines, survenue en 1982, est perdue par la marine de guerre britannique. Par la suite, via un enchaînement d'évènements en apparence mineurs, le monde entier va peu à peu sombrer dans un chaos indescriptible.
Actusf : Y-a-t-il un message que vous souhaitiez faire passer en l'écrivant ?
Marc Legrand : Je crois qu'en tant que historien, ce qui m'a le plus surpris, dans l'étude de ma discipline, est le constat suivant : il faut finalement, parfois, peu de choses pour qu'un évènement aboutisse à une conclusion inattendue, dramatique ou diamétralement opposée à l'effet recherché initialement. Tout au long de l'histoire de l'humanité, il y a, bien sûr, des "tendances lourdes" qui font que, même si Hitler était mort dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, par exemple, le nazisme serait peut-être malgré tout apparu, avec un autre leader, sous une forme plus ou moins proche de celle que nous avons connue. Pour autant, je pense que certains évènements sont plus essentiels que d'autres, davantage fondateurs, et que c'est en eux que réside le point de bascule, où plusieurs futurs très différents sont "sur la table", prêts à s'actualiser. La guerre des Malouines me semble correspondre à ce type d'évènements charnières. D'où mon choix pour ce texte. Et c'est sans doute le message de ce dernier. "Rien n'est écrit et, malgré cela, tout est prévisible. Nous sommes les acteurs de notre histoire, à la fois libres et contraints." Car il faut savoir qu'en matière d'histoire, les mêmes causes n'entraînent pas toujours les mêmes effets.
Actusf : Travaillez-vous sur d'autres projets uchroniques ou souhaitez-vous en faire à nouveau par la suite ?
Marc Legrand : Tout à fait. J'ai plusieurs idées assez originales en tête. Des points de divergence qui ne demandent qu'à être exploités, développés. L'uchronie est un genre qui me plaît beaucoup. Alors je ne vais pas en rester là.
Actusf : Les mots de la fin vous appartiennent, c'est à vous !
Marc Legrand : Je crois que tout auteur qui s'essaie à l'uchronie devrait en écrire une, voire plusieurs, sur sa propre existence. Où se situent, dans ma propre vie, les points de divergence majeurs qui font que j'aurais pu emprunter un autre chemin et connaître un autre destin, meilleur ou pire que le mien ? Cela pourrait constituer un projet d'écriture original, n'est-ce pas ? Et c'est moins cher qu'une psychothérapie. (rires)