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Les Furtifs

Langue d'origine : français
Aux éditions : 
Date de parution : 18/04/2019  -  livre
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Alain Damasio - Les Furtifs

Un auteur de SF unique

Alain Damasio n’est pas ce que l’on appelle un auteur prolixe. Auteur de nombreuses nouvelles, il ne signe cependant que son troisième roman Les Furtifs quelques 20 ans après son premier ouvrage La Zone du Dehors et 15 après sa plus célèbre publication La Horde du Contrevent - Grand Prix de l’imaginaire 2006. C’est avant tout un auteur militant qui a publié de nombreux écrits politiques et qui a soutenu activement la ZAD de Notre-Dame des Landes, ou plus récemment le mouvement des Gilets Jaunes. Outre cet aspect engagé, c’est aussi un auteur qui se saisit du médium livre autant sur le fond que sur la forme : ces livres sont des « objets-livres » où la mise en page, la ponctuation, le format sont autant d’éléments propres au récit.

Ce dernier roman Les Furtifs était donc particulièrement attendu par la communauté francophone de SF – Damasio étant par ailleurs réputé comme un auteur intraduisible.

 

De l’absence du regard de la société

Lorsque Lorca perd sa fille, il se lance dans une quête épique pour la retrouver parmi les furtifs, ces êtres légendaires ou fantasmés aux facultés inouïes permettant de ne jamais laisser de trace. Dans une époque où les grandes villes ont été rachetés par des multinationales – Paris par LVMH, Cannes par la Warner, Orange par la compagnie éponyme – et où la vie privée n’existe presque plus, cette quête devient une soif de liberté et un pur élan pour sortir du carcan du contrôle.

 

Un récit ou un essai ?

Lecteur, si les œuvres éminemment militantes t’effraient, ce livre n’est pas fait pour toi.

Les Furtifs est une œuvre dense, difficile à digérer. Elle est exigeante et demande beaucoup de vocabulaire dans des registres tant familiers que soutenus, voir inventés. D’un point de vue purement technique et littéraire, les Furtifs est un chef d’œuvre. Comme dans la Horde, Alain Damasio reprend l’idée d’avoir des signes distinctifs pour chacun de ses personnages, avec cependant seulement six d’entre eux contre 23 dans son autre roman.

Si vous avez lu la Horde du Contrevent, vous ne serez pas trop dépaysé par le style de certains personnages. Si vous avez lu la Zone du Dehors, vous ne serez pas dépaysé par l’essai politique longuement mis en avant.

Finalement, les Furtifs est un mélange des deux romans de Damasio… sans réussir à les égaler.

En effet, certains personnages sont purement incompréhensibles, mélangeant de l’argot désuet ou actuel dans un mélange beaucoup trop chargé ; ou bien alignant à l’infini des mots volontairement imposants et complexes dans le but d’impressionner le lecteur. D’autres sont seulement des porte-voix des idées de l’auteur, sans aucun autre fondement narratif. A l’inverse de la Zone de Dehors où le protagoniste principal avait un adversaire qui donnait le contrepoint des idées proposées, ici, non. Les idées d’Alain Damasio sont répétées en boucle tout au long de l’ouvrage, avec plus un sentiment de matraquage que d’apprentissage, que l’on soit d’un avis similaire ou non.

Au niveau de l’histoire, elle n’est finalement qu’une toile de fond peu importante dans le déroulé du récit. Si certains passages sont d’une force incroyable, on est tout de même assez loin du souffle épique de la Horde.

Nuançons cependant : les Furtifs mérite le coup d’œil, tant de son statut d’œuvre unique dans la forme que par l’incroyable technique littéraire mise en avant par l’auteur. En revanche, je ne peux que vous conseiller de lire la Horde du Contrevent pour voir de quoi est capable cet auteur sur un registre plus fantasy. Pour voir de quoi est capable Damasio dans un registre plus militant ou politique, lisez La zone du dehors, ou son recueil de nouvelles Aucun souvenir assez solide.

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