Si vous ne connaissez pas Sylvie Denis, voilà ce que Serge Lehman disait d'elle en 1998 dans la courte notice biographique qu'il lui consacrait dans son anthologie Escale sur l'Horizon : " Attention aiguë portée aux nouvelles technologies et à leur impact sur la société, empathie avec les personnages, écriture limpide : à elle seule [Sylvie] Denis incarne toute la réactivité et la modernité du genre[…] si vous voulez écrire se sont ses traces qu'il faut suivre. "Conquît, il ajoutait "Jardins Virtuels son recueil paru chez DLM en 1995 est tout simplement l'un des meilleurs livres de SF francophones paru ses dernières années." . Ainsi adoubée aux yeux du "grand public" par le Petit Prince de la SF, qui s'est depuis muré dans un silence littéraire obstiné, on pourrait se demander à la lecture de cette réédition si Sylvie Denis n'est pas en lice pour la reprise du flambeau.
Huit nouvelles de plus !
Car s'il s'agit bien d'une réédition, elle a été considérablement augmentée. Huit nouvelles, dont une inédite, sont venues s'ajouter aux cinq originelles, voilà qui ressemble fort à une entrée en fanfare dans la cour des grands. Une entrée remarquable, tant par la très haute tenue des nouvelles que par leur habile agencement. Effectivement très marqué par les nouvelles technologies, Sylvie Denis porte sur elles un regard personnel et intelligent. Parfaitement maîtresse de son art et de son propos, qu'elle sert de son style tranchant et précis, elle nous renvoie aux classiques du genre.
Immanquablement on pense à la Schismatrice de Bruce Sterling. Un cousinage qui ne s'arrête pas à la seule prédilection pour les dérives scientifiques, mais qui se retrouve dans le découpage chronologique de ce recueil. Parti d'un futur sans doute bien trop proche, on se laisse insensiblement porter vers le Space-Opéra et l'exploration spatiale.
Dès Dedans Dehors, première fleur de ces Jardins Virtuels, on se laisse gagner. Les thématiques seront familières à tous les aficionados : asservissement technologique, manque de clairvoyance de l'homme, etc… Mais au militantisme des ces petits camarades tout bouillonnant de testostérone, Sylvie Denis préfèrera une touche de poésie. L'urgence d'un Lehman disparaît au profit d'une légèreté qui est bien trop rare en SF , mais qui n'en rend pas pour autant son argumentation moins efficace. Au contraire.
Un regard brillant sur des avenirs qui le sont souvent moins
Treize nouvelles donc, pour un regard brillant sur des avenirs qui le sont souvent moins. Un style au rasoir, fourmillant d'idées, remarquablement maîtrisé, et qui reste délicieusement féminin sans jamais sombrer dans le corporatisme ovarien d'une Marion Zimmer Bradley. Une suite de sauts dans l'aventure, impeccablement écrits, qui vous feront découvrir, ou redécouvrir une grande dame de la SF francophone. L'incroyable densité de certains des univers effleurés ici, laisse transparaître des envies de romans. On attend donc. Mieux, on espère.