L'Ogresse

On a souvent décrit Michel Pagel comme l'un des acteurs du " renouveau de la SF française ". Depuis son premier roman Demain matin au chant du tueur (paru en 1984 chez Fleuve Noir), il a touché à presque tous les genres de l'imaginaire mais cite volontiers son cycle de La Comédie inhumaine comme " la pierre de faîte " de son œuvre. Lecteur, amateur et auteur de fantastique, il a choisi dans cette série de revisiter les grands thèmes de son genre de prédilection. Tous les tomes pouvant se lire indépendamment les uns des autres, les personnages principaux des uns se font personnages secondaires des autres et y servent de fil conducteur. Après la vengeance du mort vivant et le combat entre le fils du Diable et le fils de Dieu (on vous l'a dit, il s'attaque aux " grands " thèmes…), Michel Pagel revisite cette fois les contes de notre enfance.

Il était une fois, une jeune fille qui avait tout compris aux garçons…

Isabelle vient juste d'être nommée préceptrice dans un petit village perdu de Province. Son jeune élève n'est apparemment pas des plus faciles. Ayant totalement arrêté de parler depuis sa tendre enfance, ce jeune adolescent de 14 ans s'est jusqu'ici fait un point d'honneur à faire craquer tous les prédécesseurs d'Isabelle. Qu'importe, il s'agit de sa première mission et la foi des débutants l'anime encore.
Alors qu'elle se prépare à succomber à l'ennui de la vie provinciale, les alentours sont subitement au cœur des plus sordides faits divers. Les enfants en très bas âge des fermes voisines disparaissent les uns après les autres. Aucun indice ne permet de mettre les enquêteurs sur la voie, excepté peut-être un bruit de moteurs de Harley Davidson entendu par de nombreux témoins dans le voisinage des enlèvements.

Traumatisme enfantin et réponse expéditive

Disons-le tout net, s'il n'y avait pas eu son final, ce roman de Pagel aurait pu passer inaperçu. Ni excellent ni mauvais, il se laisse lire, même si le cliché de la jeune fille annihilant toute volonté masculine par le simple fait de les faire jouir, devient lassant au bout de la sixième fois… La " revisite " du conte est très sommaire puisque ce roman s'apparente beaucoup plus aux Fleuve Noir des débuts de Pagel qu'à une réelle aventure pleine de rêve, de cruauté, de merveilleux et de second sens qui caractérise les récits de notre enfance (qu'il ne fait jamais de mal de relire une fois grand).

Nous aurions donc pu rester au simple statut de roman " sympatoche "… Mais voilà : Pagel a voulu que le héros de son histoire soit un adolescent de 14 ans traumatisé dans son enfance au point d'en avoir perdu la parole. Et puisque toute l'intrigue tourne autour de ce traumatisme, il est logique que le dénouement tourne autour de sa guérison. Et là, que Freud, Jung et Dolto aillent se rhabiller, Pagel y apporte une réponse des plus expéditives : autour de quoi tournent toutes les interrogations d'un adolescent de 14 ans ? Des jeunes filles ? Donc, en toute logique, d'où viennent toutes ses frustrations ? Du manque. Donc quel est le moyen le plus rapide d'y mettre fin ? De les assouvir… Jusque là pas de souci, sauf si c'est sa dévouée préceptrice de 30 ans qui s'en charge… Ne vous offusquez surtout pas, on va encore vous traiter de rétrograde… Prenez quand même cet élément en compte avant de commencer la lecture de ce quatrième tome (et jetez vos prêt-à-penser de psychologie, on a trouvé mieux depuis…)