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Les Sauveurs d'âmes

Jean-Philippe Marie (Illustrateur interne), Maryvonne Ssossé (Traducteur), James Arce-Stevens ( Auteur)
Aux éditions : 
Date de parution : 31/12/05  -  Livre
ISBN : 2265078964
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Eric   - le 20/09/2018

Les Sauveurs d'âmes

James Arce-Stevens (ou Stevens-Arce selon que l'on se réfère à la couverture du présent roman ou bien à la notice biographique qui y figure en page 2) est né à Miami, où il a grandit à cheval entre la culture américaine et la culture hispano. Des influences croisées qu'il a, à l'évidence, su mettre à profit pour ce premier roman. Auteur de plusieurs nouvelles et scénariste de cinéma, il se lance dans le grand bain en 1997 avec ce Sauveurs d'âmes, récompensé par le prix UPC. "Le prix le plus prestigieux en Europe" croit-on même utile de nous préciser. Décidément, j'adore ce métier, on en apprend tous les jours.

Juan Bautista Lorca est très fier, car il a réussi à intégrer le prestigieux Corps Américain pour la Prévention du Suicide. A l'aube du XXIIème siècle, il parcourt les rues de Porto-Rico dans son Fourgonfrigo, afin de collecter les corps des suicidés, qui vont ensuite être ramenés à la vie, expier leur pêché, et enfin revenir dans le sein bienveillant du Très Haut qui veille sur nous. Juan Bautista est un sauveur d'âmes qui fait son devoir avec foi et dévotion. Car en 2099, les Etats-Unis sont le fer de lance d'une théocratie quasi-planétaire, qui veille à ce que le grand troupeau de brebis égarées de l'Humanité, n'aille pas se fourvoyer dans les voies du Malin.

Et malgré la rigueur religieuse imposée par l'Eglise, malgré les efforts de sœur Alma Lucille Ferris - la Bergère -, figure charismatique de cette chrétienté renaissante, le Malin continue de ramper parmi les Hommes. Le terreau est, il est vrai, plus que jamais favorable : surpopulation, pollution, pauvreté, famine, guerre, le lit des faux prophètes est fait.

Mais, si, contre toute logique, les faux prophètes n'étaient pas ceux que l'on croit ?

Hein ? Et si c'étaient les gentils les méchants et inversement ? Ça vous en boucherait un coin ? Et bien non justement, et c'est même-là le principal défaut de Sauveurs d'âmes. Toutefois, cette prévisibilité aurait pu être compensée par un tableau convaincant de ce futur endoctriné par foi, mais là encore ce n'est pas le cas.

James Arce-Stevens, dont on nous dit qu'il a reçu une éducation catholique poussée, et pour qui les dérives religieuses sont un thème de prédilection, ne se borne ici qu'à une dénonciation maladroite du télévangélisme. Maladroite parce que ce futur il ne l'anime qu'à la convenance de son propos. Certes il l'habille du minimum de rigueur prospective qu'impose la décence, mais on ne croit guère à cette société caricaturale qu'il tente de rendre convaincante par des artifices linguistiques d'un usage délicat. Comme cette tentative d'un argot assez propre sur lui pour que l'Egise ne s'en offusque pas. L'idée est astucieuse et est sensée donner une image crédible de cette jeunesse vertueuse. Mais n'est pas Anthony Burgess qui veut, et l'effet visé par cette association systématique de prénom et de mots qui rend les gens Howie Heureux, Denis Désespoir ou Eddie Excitation fini, si vous me passer l'expression, par devenir au bout de quelques pages seulement Gavin Gonflante.

Reste alors aux personnages à nous accrocher par leur vraisemblance. Ce qu'ils ne parviennent à aucun moment à faire. Qu'ils soient trop clichés, comme ce prêcheur cynique qu'on devine dès la première apparition être à la source de tous les maux, ou cette Bergère dont les turpitudes ne nous étonnerons même pas, ou qu'ils soient sous-exploités, comme la douce Angela - épouse dévouée de notre héros - qui se résume à une simple commodité scénaristique. Quant au personnage de Juan Bautista, dont la crédibilité tient toute entière sur sa conversion spirituelle et son parcours initiatique, on ne peut s'empêcher de le trouver bien fade, et surtout bien moins généreusement doté en cellule grise qu'en créativité vernaculaire. Mais surtout, derrière cette dénonciation de la religion spectacle et de marchands du temple, on n'a du mal à ne pas déceler un prosélytisme assez pataud, façon école du dimanche. On le voit, et en dépit de quelques flamboyances stylistiques, les paris que prend James Arce-Stevens sont risqués, et finalement, ils ne payent pas. Du coup, nous non plus, nous ne payerons pas lorsque le curé nous passera le petit panier à la fin de la messe.

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