Pour l'honneur de la Reine
L'étoile de Yelstsin est située de manière stratégique entre la République de Havre et le Royaume de Manticore. Etablir un accord avec les habitants de Grayson, la seule planète habitable du système, permettrait à l'une des deux superpuissances d'établir une base rapprochée, et peut être ainsi un avantage véritable au cours d'un éventuel futur conflit. Mais les Graysoniens ont leurs idiosyncrasies, dues à une histoire très particulière : les négociations vont demander du doigté, même s'ils ont réellement besoin d'une alliance avec Manticore. En effet, la menace posée par leurs ennemis héréditaires qui habitent le système d'Endicott, tout proche, et qui se sont eux rapprochés des Havriens, se fait de plus en plus forte. Les Masadiens comme les Havriens ont tout intérêt à ce que les négociations n'aient pas le temps d'aller jusqu'au bout avant leur attaque, pour éviter une intervention des Manticoriens. Honor Harrington, qui commande l'escorte de la délégation, pourra-t-elle sauver le système de Yeltsin, seule contre la flotte Masadienne ?
Combien de fois doit-on donner sa chance à une série ?
Les nombreux lecteurs avouant leur faible pour les aventures d'Honor Harrington sur le forum, ces derniers temps, m'ont convaincue de m'attaquer à ce volume en excluant les a priori négatifs que je traînais depuis ma lecture d'autres épisodes. C'est donc avec un oeil quasiment neuf et tout un arsenal de bonnes résolutions que je me suis lancée dans la lecture, et elles ont duré vaillament jusqu'au début de la page 21, et plus précisément, jusqu'à ça :
« Elle se trouvait également entre le Royaume de Manticore et la République Populaire de Havre, assoiffée de conquêtes, et seul un idiot – ou un membre du parti libéral ou du parti progressiste - pouvait croire que la guerre avec la République de Havre était évitable ».
L'apologie à tous crins de l'armée des autres volumes était de retour, avec une phrase pas vraiment indispensable, mais tout de même plus que révélatrice de la position de l'auteur. Un certain effort et un espoir que cette déclaration fracassante d'Harrington n'était qu'une occurrence isolée (sans parler probablement d'une pointe de masochisme), m'ont permis de ne pas abandonner la tentative là, tout de suite. Et puis reposer un roman simplement parce qu'il n'est pas en accord avec vos principes politiques ? Je pouvais me distancier. Négliger le fait que ceux qui disent que la guerre est inévitable ont bien souvent heureusement tort. Après tout, pourquoi apprendre quoi que ce soit des quarantes années de la Guerre Froide, et de tous ces autres équilibres de la terreur qui émaillent l'histoire de l'humanité ? Honor Harrington sait.
Au cours des pages suivantes, j'appris que la diplomatie ne sert pas à grand chose en général, ou à tout le moins que Manticore possède des diplomates vraiment incompétents, à part bien entendu ceux d'extraction militaire. D'ailleurs, le pire d'entre eux, un « intellectuel enfermé dans sa tour d'ivoire », aux « conceptions simplistes » de la situation et dans l'ensemble plus encombrant qu'utile, provient d'une université que Weber décrit comme : « l'université socialiste », et il établit un clair lien de cause à effet entre les deux.
A ce stade, malgré des efforts acharnés, ma bonne volonté commencait à en prendre réellement un coup. Il faut dire qu'elle bénéficiait d'un coup de pouce de Weber, d'abord en la personne de Nimitz *, toujours aussi inutile à mon avis, et surtout, de par le choix d'Honor pour cette mission. Comment prendre au sérieux l'importance extrême de la mission diplomatique pour les Manticoriens, quand ils envoient pour commander le détachement une personne que les futurs partenaires ne peuvent que rejeter très violemment, du fait de leur culture ? Il n'y a qu'une seule explication vraiment plausible, même si l'auteur tente mollement de se justifier : fournir à Honor une nouvelle occasion de montrer qu'elle est de taille à surmonter n'importe quelle difficulté. L'artificialité du processus, en tous cas, court-circuite efficacement le récit, et j'ai perdu rapidement le peu d'intérêt qui me restait dans les personnages. Rien, dans la suite, ne vient réellement rattraper ces problèmes, et la moyenneté du roman ne donne pas envie de fermer les yeux sur les positions politiques lourdement marquées, et le manque de finesse dans leur exposition (pour ceux qui voudraient voir ce qu'un très bon auteur peut faire avec de positions également discutables, je recommande une relecture attentive du Cryptonomicon), voire le simplisme des situations politiques et des retournements.
Il y a un moment où il faut savoir jeter l'éponge. Honor Harrington gardera ses fans quoi que je puisse en dire. Pour moi, c'était un nouveau volume de trop.
*pour ceux qui ne seraient pas familiers avec la série, c'est le chat d'Honor. En fait une espèce très intelligente et très mignonne et très drôle, que, pour une raison obscure, les autorités de la marine Manticorienne autorisent Honor à garder, non seulement à bord d'un vaisseau de guerre, mais également sur le pont et en plein QG.