Les Murailles de Samaris

François Schuiten est passionné d'architecture. Cela se ressent dans toute ses œuvres, que ce soit lorsqu'il conçoit une station de métro (Arts et Métiers), un pavillon pour une exposition universelle, ses films ou, plus généralement, dans tous ses dessins. Depuis 1981, il dessine la série des Cités Obscures qui compte actuellement douze volumes.
Benoît Peeters est, lui, passionné par la bande dessinée. Il a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet, tels que Lire la Bande Dessinée. L'un de ses sujets favoris est Tintin et son alter-ego, Hergé. Prolifique, il travaille avec de nombreux dessinateurs. Pourtant une série émerge, les Cités Obscures qu'il scénarise pour son collègue Schuiten.

Que cachent les murs de Samaris ?

Franz vit - bien - dans la cité de Xhystos. Pourtant, quand il est choisi par le Conseil pour enquêter sur des disparitions dans la lointaine vile de Samaris, il quitte son appartement, la femme qu'il aime et ses amis. Après un long voyage, il arrive dans une ville étrange, à l'architecture élancée.
Il entame son enquête mais se heurte au seul silence. Les gens qu'il croise sont peu accueillants, mis à par Carla, une jeune femme qu'il rencontre tous les jours. Une complicité naît entre eux malgré les distances que semble vouloir garder Carla.
Un soir, pris d'un accès d'énervement, il défonce la porte de la chambre à côté de la sienne et découvre l'autre face de Samaris, son vrai visage. Horrifié, il ne peut que quitter les lieux au plus vite pour retourner chez lui. Moins organisé qu'à l'aller, le voyage le laisse épuisé et hagard. Lorsqu'il entre dans Xhystos, il ne retrouve plus rien, ni ses amis, ni sa femme. Même le Conseil semble changé.
Où se trouve la réalité et quels sont les masques qui se cachent derrière les murailles des villes ?

Le jeu des apparences

Avec ce volume, Peeters et Schuiten vont entamer un long voyage dans nombre de cités aux lourds secrets, qui se poursuit jusqu'à aujourd'hui. Beaucoup des ingrédients que l'on trouvera dans les tomes suivants sont déjà en filigrane dans celui-ci. Relus avec le recul des années, il apparaît évidemment comme fondateur de toute l'œuvre.
Tout ici n'est qu'apparence, faux-semblants, depuis les amours homme-femme jusqu'à la protection même que peuvent apporter les murailles de la cité. L'humain, seul au milieu d'un monde froid et hostile qu'il a lui-même construit, ne peut que se débattre et retarder l'inévitable chute.
C'est un scénario magnifique, à la fois simple et épuré, mais empli d'une profonde réflexion que Schuiten nous invite à partager. C'est aussi un superbe ouvrage dessiné avec une qualité qu'il est rare de rencontrer. La précision du trait, la justesse des expressions et les architectures délirantes en font un objet rare. Le dessin de Schuiten et clair, net, un peu froid, mais parfaitement adapté à l'histoire.

Fragments rassemblés

Le jeu des miroirs et des faux-semblants continue dans la seconde partie de ce tome. En effet il s'agit d'une réédition des Murailles de Samaris, à laquelle ont été ajoutés les fragments d'un livre qui n'a jamais été terminé et devait se nommer Les Mystères de Pâhry. Série de petites histoires n'ayant en commun qu'une ville percée de circulations cachées et de passages secrets, cette seconde partie est attachante car plus proche de nous que les architectures impressionnantes et presque délirantes de la première histoire.
Nous y retrouvons des lieux emblématiques de notre capitale (l'Elysée, le centre Pompidou, le Louvre) mais vus de l'autre côté, à partir de ces passages masqués et mystérieux qui permettent de surprendre les conversations ou les attitudes de personnes qui ne se savent pas observées.