Jeunesse
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Les chroniques d’Arslân 1

Jacques Lalloz (Traducteur), Rodolphe Massé (Traducteur), Yoshiki Tanaka ( Auteur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 29/02/08  -  Jeunesse
ISBN : 9782702139097
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Christian   - le 27/09/2018

Les chroniques d’Arslân 1

La collection Fantasy de Calmann-Levy publie une vingtaine d’auteurs anglo-saxons et japonais. De jeunes auteurs comme Ubukata, Mizuno, issus des jeux vidéo, mais aussi le fameux Yoshiki Tanaka, en collaboration avec l’éditeur de mangas Kazé. Comme La Légende des héros galactiques (SF), La Légende des quatre rois  du même auteur, Les Chroniques d’Arslân sont surtout connues pour leurs adaptations mangas. Pour une diffusion plus large de l’œuvre originale, Calmann-Levy propose une traduction intéressante du premier tome alors même que le cycle, commencé en 1986, n’est toujours pas achevé. 

Les chroniques d’Arslân (Arslan Senki) s’inspirent de la légende créée par Naqib ul-Mamâlik, conteur à la cour du roi d’Iran au début du XIXe siècle. Elles décrivent l’invasion d’un royaume d’origine perse, le Parse, par des barbares occidentaux, les Lusitaniens, puis le combat de la dynastie royale légitime pour revenir au pouvoir. L’intérêt de l’histoire réside davantage dans les jeux de pouvoir médiévaux, les combats individuels, collectifs et les personnalités des protagonistes que dans l’usage de la magie, distillée parcimonieusement. Si le cycle s’adresse surtout à un public jeune, c’est moins pour la pudibonderie des personnages que pour la jeunesse du héros et le grotesque des combats individuels. Comme dans les films de genre chinois, un héros peut anéantir quelques dizaines d’adversaires sans trop se fatiguer. En revanche, les détails morbides séduiront surtout les adolescents un tantinet pervers. Les membres et les têtes giclent sans coup férir. Les récits de torture ou de vengeance sadique, sans être abondants, ne passent pas inaperçus. Peu de sexe, mais beaucoup de sang. Avis aux pubères prudes et aux amateurs pubescents.

Déchéance et trahison

Le royaume parse, pourtant réputé pour la puissance de son armée et la vaillance de ses cavaliers, perd la bataille d’Atropathènes à la suite d’un subterfuge magique. Puis la capitale Ecbatâna tombe aux mains des Lusitaniens, après la trahison d’un général et d’un aspirant légitime au trône de Parse, Hilmes, l’homme au masque d’argent. Les Lusitaniens, fanatisés par leur grand archevêque yahldaïte, massacrent tous les hérétiques. Leur roi, Innocentis, est davantage préoccupé par un mariage avec l’ex-reine parse, Tahaminé, que par la guerre dont il confie le commandement à son frère, Ghisqâr. Parallèlement, un groupe de magiciens tente d’attiser les haines et de faire verser le sang partout pour restaurer le pouvoir d’un dieu parse sanguinaire.

Le prince Arslân, protégé par le jeune général Darîun, puis par le stratège Narsus, le poète Ghîb et d’autres personnages hauts en couleur, erre dans le royaume pour rejoindre les armées de la frontière orientale, qui sont restées fidèles au roi Andragoras, torturé dans les geôles lusitaniennes. Pour cela, il doit affronter les troupes de Hilmes lancées à sa poursuite. Après avoir aidé les Lusitaniens à envahir son pays, Hilmes, autrefois défiguré par Andragoras, compte bien les en chasser plus tard, mais il doit d’abord éliminer le prince et ses valeureux compagnons.

Un jeu de rôle épique

Yoshiki Tanaka est un grand conteur, maître des ressorts de l’âme humaine. Il sonde admirablement les pensées des stratèges, des ambitieux, des jaloux, des poètes, des rêveurs. Il agence habilement les jeux d’acteurs et prend un plaisir évident aux interactions des trajectoires, à la confrontation des esprits et aux joutes verbales, ludiques ou guerrières. Ses personnages, plongés dans la tourmente de l’urgence, de la bataille à la fuite, ne cessent d’engager le cours de leur vie sur des réactions spontanées, instinctives. Et c’est la grandeur d’âme des héros, futur roi ou « samouraï », qui les guide dans la juste Voie, qui leur permet de relier efficacement l’action du moment au but ultime : sauver le royaume. La narration, intelligente, tient en haleine, alterne horreur et humour, noirs desseins et hauteur de vue, et a nul besoin d’effets magiques ou de races excentriques pour donner un ton fantastique au récit. L’exotisme des noms perses et des coutumes locales, le cadre médiéval suffisent.

La palette de personnalités (jeune prince, jeune serviteur, poète, stratège, général, prêtresse) unies dans la fuite (qui est une forme de quête) nous rapproche des jeux de rôle. Mais c’est la force et l’habileté surhumaines des héros qui versent le plus dans l’Heroic fantasy. Les combats, sans se transformer en danses invraisemblables, sont des formalités pour les héros au point qu’on finit par se demander pourquoi on leur oppose des hordes de fantassins et de chevaliers. Le lecteur n’est pas très inquiet pour les personnages principaux. Ils arrivent à se tirer de n’importe quel guet-apens. Comme pour les super-héros, seuls quelques anti-héros (Hilmes, le Dark Vador local, et un ou deux bretteurs associés) sont en mesure de les taquiner.

Yoshiki Tanaka n’est  ni un poète (peu d’inventions verbales, peu d’assonances dans la traduction) ni un peintre (peu de descriptions d’objets, de paysages), ni un amateur de romances (les ébats amoureux sont frustres), mais c’est un vrai stratège doué d’une grande imagination, un bon metteur en scène, un fin psychologue et un véritable enfant quand il s’agit de se battre avec ses personnages.

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