Œdipe à Corinthe
Est-il nécessaire de présenter Joann Sfar ? Citons seulement quelques séries de bandes dessinées qu'il a scénarisées,
Donjon,
Petit vampire,
Le Bestiaire amoureux,
Le Chat du rabbin et on se rappelle avoir affaire à un grand monsieur de la BD franco-belge. Ce français d'origine niçoise, né en 1971, a commencé sa carrière en 1994 et depuis, il a offert au lecteur une multitude d'ouvrages de qualité. Avec l'adaptation de son
Gainsbourg, il est même devenu réalisateur au cinéma.
Christophe Blain, pour sa part, jouit d'une moins grande renommée. Pourtant, ce dessinateur de quarante ans a signé les planches de séries qui ont fait parler d'elles :
Gus,
Isaac le pirate et évidemment
Socrate le demi-chien.
Socrate retourne à Corinthe Socrate a été abandonné par son maître, Héraclès. Après avoir aidé Homère à se venger d'Ulysse, il erre seul en Grèce. Il surprend alors un soldat en train d'abandonner un bébé. Cet enfant, c'est Œdipe, à qui un oracle a promis un destin funeste : il couchera avec sa mère après avoir tué son père. Ce dernier est roi et a demandé à être débarrassé de ce dangereux rejeton. Mais c'était sans compter sur Socrate, qui décide de sauver l'enfant, le fait adopter par le roi de Corinthe et prend en charge son éducation afin de lui éviter l'accomplissement de son destin...
Un excellent troisième tome Tout comme ils l'ont fait avec
Héraclès et
Ulysse, les deux premiers tomes de la série, Christophe Blain et Joann Sfar réécrivent au vitriol un nouveau mythe de la Grèce antique. Après avoir égratigné les images du fils de Zeus et du roi d'Ithaque, c'est au légendaire Œdipe, à l'origine du complexe éponyme, que s'attaquent les deux artistes.
Sfar est une nouvelle fois au scénario. Tout en étant fidèle à certaines formes du récit mythologique (les dieux apparaissent avec un grand naturel, sous des formes variées ; la mort survient facilement pour les personnages secondaires ; le sexe tient une place importante et nombre de protagonistes ne pensent qu'à ça,
et cætera), Joann Sfar revisite avec irrévérence, dans
Œdipe à Corinthe, la première partie du mythe de l'enfant assassin de son père et amant de sa mère. Il s'amuse – et nous amuse – en faisant des grandes figures mythologiques, au mieux des imbéciles, au pire de purs criminels. Socrate, en essayant de faire dévier le destin d'Œdipe, est à l'origine d'une aventure passionnante, mettant en scène des personnages hilarants. On regrettera peut-être l'aspect moins philosophique de cet album, en comparaison des deux précédents.
Christophe Blain se retrouve pour la troisième fois devant la table à dessins. Il met son talent au service d'un album dont les planches sont découpées de façon classique (six cases régulières).
Socrate le demi-chien n'est en effet pas une série qui essaye de dépayser le lecteur par son style graphique, même si les dessins de Blain, tout en courbes, ne cherchant pas le détail, peuvent rebuter certains lecteurs.
Œdipe à Corinthe est un excellent troisième tome pour la série
Socrate le demi-chien. Sa lecture est amusante, en plus d'être fascinante. Une réussite.