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Je suis ta nuit

Aux éditions : 
Date de parution : 30/04/10  -  Livre
ISBN : 9782910753818
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Nathalie   - le 31/10/2017

Je suis ta nuit

A l’âge où Pierre le narrateur de Je suis ta nuit affronte un été cauchemardesque, Loïc le Borgne qu vivait alors dans un petit village de Bretagne, avait déjà achevé son premier roman. Après la très attachante trilogie Marine des Etoiles chez Autres Mondes, première étape de la longue odyssée de son intrépide héroïne dont un nouveau cycle d’aventures devrait voir le jour, Loïc le Borgne affronte dans la jeune collection 15-20 le côté sombre de l’humain avec un thriller aussi sensible que haletant.

« Les chiens méchants, les fauves et les loups-garous sont toujours plus rapides que leurs proies. »

Le Bonhomme de nuit, un nom à la connotation enfantine qui semble relever du même folklore télévisuel que Nicolas et Pimprenelle de Bonne nuit les petits.
Et pourtant le Bonhomme nuit va semer l’horreur et la mort dans le paisible village de Duaraz et extraire violemment de l’enfance et des jeux innocents une bande de 6 copains, Pierre, Maël, le nouveau vite devenu malgré son étrangeté le chef, Karl, Francis Emmanuel, Sébastien et Mélanie.
Que restera-t-il de ces enfants, de leurs rites et de leurs rêves une fois que le Bonhomme de nuit aura fait son œuvre, aura semé rage et discorde, désespoir et peur ?

L’effet papillon

Loïc le Borgne tisse patiemment une ambiance éprouvante. L’épouvante va grandissant car nul refuge ne résiste au Bonhomme de nuit ; ni le giron maternel ni l’enceinte sacrée de l’église ne parviennent à protéger Pierre et ses compagnons du monstre qui les poursuit.
Des découvertes macabres ponctuent leurs jeux, le drame qu’ils traversent les rattrape dans leurs moments d’insouciance.
Les phénomènes paranormaux s’accumulent : aveuglement subit, nuées de scarabées, possession d’animaux voire de personnes, les manifestations maléfiques du Bonhomme de nuit vont en s’aggravant.
Ce cauchemar Pierre le revit, le ravive pour aider son fils fragilisé par la disparition de sa mère à affronter un nouveau deuil, un nouveau coup aveugle et injuste du sort, le suicide d’une amie.
Car pour percer les ténèbres qu’il a déployées, le narrateur entraîne son fils et ses lecteurs vers la lumière de l’amour et de l’imagination.
Il repousse avec son récit les ombres de ses propres traumatismes et les blessures de son fils.
« J’ai survécu à cette histoire peut-être t’aidera-t-elle à affronter la tienne » confie Pierre à son fils p. 213.

Et même si quelques pistes plus rationnelles sont données dans les dernières pages, si quelques éléments du fléau qui frappe Pierre et sa bande s’expliquent par des traumatismes et si le fantastique se résorbe quelque peu dans des éléments de l’enquête policière, le souvenir de l’horreur qui ensanglanta ce funeste été résonne durablement dans l’esprit du lecteur.
L’angoisse est d’autant plus subtilement distillée que le background narratif évoque plutôt à la génération Gloubiboulga le temps des rires et des chants, d’un éternel printemps.

D’après l’interview accordée à fantasy.fr par Loïc le Borgne, les événements du 11 septembre lui ont donné toute licence quant à la noirceur de son récit. Le choc, la brutalité des attentats, cette mise en scène d’une grande folie meurtrière a influé sur le sort de ses personnages.
Et c’est cela qui rend le bonhomme nuit si terrifiant : au fur et à mesure que l’histoire le cerne, lui tourne autour dans un tourbillon éprouvant pour les nerfs, il s’enfle de nos peurs, de nos expériences traumatisantes. Dans le puits sans fond sur lequel il règne résonnent cyniques et insupportables les échos de nos démons et de nos faiblesses, de nos angoisses irraisonnées et de nos fautes inavouables.

« C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière. »

Habile, envoûtant et saisissant, ce roman donne de nouvelles preuves du talent de Loïc le Borgne, qui balaie le spectre de l’horreur avec une savoureuse virtuosité.

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