Jeunesse
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Journal d'un loser

Michel Pagel (Traducteur), Jesse Andrews ( Auteur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 30/04/12  -  Jeunesse
ISBN : 9782265093751
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Giard   - le 31/10/2017

Journal d'un loser

Jesse Andrews a trois casquettes sur la tête. Musicien, scénariste et depuis peu écrivain, il est né en 1982 à Pittsburgh. Diplômé de Harvard, il a d’abord été réceptionniste dans une auberge de jeunesse allemande. Il vit actuellement à New-York et tient un blog à son image ; celui d’un mec qui ne se prend pas la tête.
 
Greg est un ado sans histoire qui adore faire des remakes de films avec son pote Earl, sans grand succès. Entamant sa dernière année de lycée avec soulagement, il espère bien mener sa petite barque sans encombre jusqu’au diplôme dans la plus grande discrétion. Erreur ! C’était sans compter sur sa mère et son idée de génie : devenir ami avec Rachel, une ancienne camarade atteinte d’une leucémie. Loser un jour, loser toujours ?
 
 
Un ovni littéraire hilarant

La narration de Journal d’un Loser est atypique et décalée. Pour construire son roman, Jesse Andrews a employé plusieurs genres comme le scénario, le résumé, la biographie, les dialogues, des questions-réponses, le journal intime, la numérotation et même un plan ! La mise en abyme de Greg en tant qu’auteur qui expérimente l’écriture, réfléchit sur elle et sur les mots, s’interrompt pour aller chercher du pop-corn, et qui s’adresse même directement à son lecteur rend la lecture pétillante et pleine de vie. Nous sommes vraiment dans l’oralité et dans un langage qui colle parfaitement aux adolescents. Le traducteur a même su rendre superbement les grossièretés employées pour en accentuer l’humour. Celles-ci ne sont d’ailleurs pas vulgaires en soi ou choquantes ou bêtement utilisées. Au contraire, sans elles, le récit perdrait incontestablement de sa verve et de son humour décapant.
 
Le ton désinvolte mais vif et très naturel de Greg, son cynisme et ses désillusions  contribuent non seulement à transformer ce qui aurait pu être une tragédie en comédie mordante, mais apportent en plus beaucoup de véracité à cette autobiographie fictionnelle. Le narrateur nous immerge dans son intimité sans artifice avec la sincérité dont il est capable. Certains passages sont véritablement hilarants comme celui où Greg avoue son penchant sexuel pour les coussins ! C’est absurde, loufoque, et pourtant c’est à en faire pleurer de rire. 

J’oserais dire que c’est un humour noir à la Stéphane Guillon : on aime ou on déteste ; on accroche ou pas. Mais attention, dans ce roman rien n’est méchant ou mesquin. On pourrait simplement lui reprocher volontiers quelques lourdeurs (les séances d’auto flagellation de Greg, par exemple) ou de ne pas s’attarder sur la psychologie des personnages Earl et Rachel ; ce qui est en même temps justifié par la fin – surprenante – du roman.
 
Une représentation de l’adolescence qui sonne juste
 
L’adolescence – cette période ingrate – est quant à elle très joliment représentée, avec une certaine justesse. Le personnage principal est, comme le titre l’indique, un loser. C’est en fait un adolescent comme un autre, qui n’a pas une existence extraordinaire, qui recherche la discrétion, n’arrive pas à se faire des amis, qui est refermé sur lui-même et possède un physique bedonnant. Cela nous change donc agréablement des séries américaines où les héros possèdent des physiques parfaits et ont des vies presque irréelles. Le lecteur qui a au contraire vécu l’adolescence comme un épanouissement, aura certainement beaucoup plus de mal à s’identifier au personnage, à le comprendre.

Bien qu’il se présente comme un criminel dès l’incipit, un con et un salaud qui n’a de cesse de se dénigrer au fil du récit, il y a en fait beaucoup d’humanité en Greg. Il a tout simplement peur de s’attacher et de s’ouvrir aux autres. Il marche donc sur l’instinct de conservation car l’adolescence est un comme un terrain miné qu’il faut essayer de traverser sans trop de dégâts, là où la seule certitude est qu’on est sûr de rien. L’écriture fait remonter des souvenirs douloureux qu’il est pour lui difficile de raconter, d’où l’échappatoire par le rire. Et même si Greg se veut honnête avec son lecteur, il ne l’est pas tout à fait avec lui-même : il feint en réalité davantage l’indifférence qu’il ne l’est en réalité. Et nous lecteurs, nous nous en doutons. L’auteur parvient à nous toucher avec son récit sans que nous nous y attendions. Les larmes succèdent aux rires quand est abordé la mort. C’est un passage bouleversant car simple et vrai.      
 
Journal d’un loser est à l’image de l’adolescence : déjanté, désinvolte, lucide et naïf, fragile et touchant. Désespérément drôle.

 

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