Le Chemin des dieux

Jean-Philippe Depotte est né à Lille en 1967. Tour à tour, programmeur, éditeur de méthodes de langues ou encore directeur de production de jeux vidéo, c'est lors d'une expatriation familiale pendant quatre ans à Tokyo qu'il écrit son premier livre, Les Démons de Paris. Sa passion pour l'histoire se retrouve dans chacun de ses romans. Après le Paris de la Belle époque, le XVIe siècle avec Les Jours étranges de Nostradamus, la Commune dans Le Crâne parfait de Lucien Bel, il nous invite à un voyage dans le Japon moderne avec Le Chemin des dieux.

 

 

Quand il apprend qu'Uzumé, la femme qu'il a failli épouser il y a plus de dix ans a été enlevée, Achille plaque tout et s'achète un billet pour le Japon. Mais une fois sur place, il se rend compte que la situation est plus compliquée qu'il n'y paraît : son meilleur ami, qui l'a prévenu de la disparition d'Uzumé, s'est suicidé ; sa bien-aimée n'a en fait jamais été kidnappée et pour ne rien arranger, le Japon est en proie à une catastrophe étrange qui le plonge droit dans l'obscurité. Confronté à des événements qui le dépassent, seul dans un pays où il ne se sent plus à sa place, Achille va s'employer à résoudre tous ces mystères.

 

 

Le roman débute comme un policier classique : le personnage principal, Achille, débarque au Japon, bien décidé à lever le voile sur la disparition de son ancien amour. Il n'a que de maigres indices pour l'aider et, en plus, il doit faire face à un pays qu'il ne reconnaît plus et dans lequel il se sent étranger. Ces deux facettes de l'histoire sont très bien décrites au début du roman. Nous avons une histoire à rebondissements, où rien ne semble être ce qu'il paraît. Le suspens est savamment dosé, les péripéties nombreuses (même si les ficelles de certaines sont un peu grosses, on pensera notamment à la raison qui empêche Achille de quitter le Japon), et la galerie de personnages secondaires est savoureuse. Comme il est habituel, l'histoire finit par bifurquer sur plusieurs intrigues parallèles d'importance diverse. Mais, grâce au cadre exotique, on finit par se laisser happer par cette chasse au trésor. 

 

Il est indéniable que Jean-Philippe Depotte maîtrise son sujet : dès les premières pages, le dépaysement est garanti et l'on se retrouve dans un pays totalement étranger, aux us et coutumes aux antipodes de notre monde occidental. Pour ceux qui connaissent peu le Japon, le choc est rude, certaines situations frisent l'absurde voire le ridicule mais on sent bien que tout ceci est nécessaire pour bien appréhender cette société si différente. Le bizarre finit par être naturel tant il participe à l'ambiance générale et offre une profondeur bienvenue à la quête d'Achille, somme toute classique. C'est l'une des forces du roman, cette intégration subtile, jamais indigeste, des éléments d'une culture que l'on connaît mal en France, ou uniquement via ses clichés les plus communs... mais c'est également sa plus grande faiblesse.

 

Car à un moment, le roman finit par basculer. On rentre les deux pieds dans le fantastique, touchant aux mythes japonais, à ses croyances. Et c'est là qu'il devient plus compliqué de suivre la quête d'Achille. La mythologie s'infiltre dans la réalité, tout se mélange et la logique telle qu'on la connaît s'effondre. Et plus on cherche à comprendre ce qu'il se passe vraiment, plus le roman se dérobe, insaisissable. La lecture devient plus éprouvante, floue, et l'on peine à suivre où l'histoire va réellement et quels sont les véritables enjeux. Ne reste plus qu'alors à se laisser porter par les images, les dialogues et des fragments de péripéties qui font encore sens. C'est d'autant plus frustrant que l'on sent que ce n'est pas dû à des faiblesses dans le scénario ou la construction de l'univers. Le résultat n'en est pas moins confus par moment et il manque indéniablement quelques clés pour comprendre le récit et toutes ses ramifications.

 

On retrouve dans Le Chemin des dieux les qualités des précédents ouvrages de l'auteur : un cadre original et parfaitement maîtrisé ; un bon sens du rythme et une plume accrocheuse. Mais le fantastique est cette fois trop nébuleux pour apprécier totalement l'histoire. Le Chemin des dieux se révèle donc une rencontre manquée, ce qui d'autant plus regrettable au vu du potentiel du roman.