Le Vol des harpies
Megan Lindholm, la future Robin Hobb de « L’Assassin royal »
L’auteure américaine Megan Lindholm commence à écrire pour des revues avant de publier son premier roman
Le vol des harpies en 1983, tome d’ouverture de la tétralogie
Ki et Vandien. Une dizaine d’années plus tard, c’est sous le pseudonyme de Robin Hobb qu’elle gagne une renommée internationale en racontant les aventures de Fritz dans le cycle
L’Assassin royal. Renommée qui permet aux éditeurs et aux lecteurs de redécouvrir ses premiers romans. Ses œuvres sont gratifiées de plusieurs distinctions, dont trois Prix Imaginales : celui du meilleur roman pour Le
Dernier magicien en 2004, celui de la meilleure nouvelle pour "Retour au pays" en 2006 et celui du meilleur roman étranger pour
La Déchirure et
Le Cavalier rêveur (les deux premiers tomes du cycle
Le Soldat chamane).
Si Le vol des harpies est publié en 1983 aux États-Unis, il faut attendre 2004 pour qu’une version française apparaisse, chez les Éditions Mnémos. Ces dernières le rééditent à l’été 2016, dans la collection Naos.
Harpon sur les harpies
Terrassée par la mort de son mari et de ses deux enfants, Ki s’en prend aux harpies qui les ont tués en brûlant leur nid et en abattant le mâle dominant. Après s’être vengée, la jeune Romni ne sait plus quoi faire et accepte de transporter des marchandises dans un col redoutable, ne se doutant pas à quel point sa mission est périlleuse. Mais avant de s’engager dans son périple aux côtés du voleur Vandien, elle doit raconter le drame au clan de son époux, clan qu’elle connaît à peine et qui voue une vénération malsaine aux monstres ailés doués de magie.
Elle ne sait pas encore qu’une des harpies qu’elle a attaquées a survécu et qu’elle est bien déterminée à faire payer le sang que la jeune femme a versé.
Une histoire plaisante, pour adolescents
La couverture est la parfaite illustration des premières pages du roman. Dans/sur un plan de cinéma, Ki, un couteau à la main, progresse péniblement sur une falaise pour s’attaquer aux harpies qui ont tué et dévoré sa famille. La description minutieuse des parois rocheuses et des moindres mouvements de l’héroïne conduit à une immersion immédiate. Grâce à la couverture très représentative de la situation, le lecteur sent presque la morsure de la neige et la rugosité des roches entre ses doigts dès les premières lignes du roman.
Le décor est assez dépouillé, les personnages sont peu nombreux, la trame est simple. Les amateurs d’action risquent d’être déçus : elle est assez rare. L’auteure s’intéresse davantage à la psychologie de ses personnages : une doyenne qui persiste à vouloir intégrer Ki, des adversaires qui la rejettent et lui font sentir sa différence, Ki dont les pensées sont rivées sur la détresse, le ressentiment, le ressassement du drame et de son amour défunt. Ki est en décalage avec le clan, soumis à des coutumes exigeantes qui ne laissent place à aucune bouffée de liberté. Megan Lindholm peint dans son premier roman la douleur d’un drame familial, le chagrin et la colère non compris par l’entourage, l’incompatible diversité des traditions, le cercle vicieux de la vengeance.
Certains détails sont tout de même perturbants : des réactions assez soudaines des personnages (une colère soudaine, quelques réactions étrangement enfantines, des phrases en porte-à-faux avec les précédentes à cause d’un brusque changement de registre – du moins dans la version française). Surtout, certaines phrases ne sont pas achevées, un espace vide douteux étant laissé avant une virgule (« aller à , » ; une auberge « appelée , »), et certains tirets sont très curieusement placés. On pourrait reprocher un début lent et un peu trop répétitif (Ki et son refus de l’intégration, des personnages qui lui répètent finalement la même chose). Même si la magie du livre réside dans cet engourdissement hivernal, dans cette lente progression vers le danger et vers l’éclosion des sentiments d’une Ki endeuillée pour son compagnon de voyage Vandien.
Les ingrédients qui ont fait le succès de L’Assassin royal sont déjà perceptibles dans ce premier roman. Le vol des harpies est une histoire agréable le temps de brèves heures de lecture, qui satisfera surtout les collégiens, heureux de lire la suite dans un second tome au titre fabuleux : Les Ventchanteuses.