Avez-vous remarqué ? Devant un film à sensation, au beau milieu de massacres répétitifs qui utilisent toutes les ficelles de l'horreur, apparaît soudain un chien aux yeux doux, compagnon de galère des héros, qui nous arrache des larmes venues du fond de l'enfance et un cri unanime : " Ah non ! Pas le chien !!! "
C'est bien dommage pour le gentil vieux monsieur qui vient de se prendre le sapin de Noël du Poséidon sur le coin de la moumoute, mais on s'en fout. Le chien a été évité de justesse.C'est exactement ce qu'on ressent en lisant les premiers chapitres de Gengis Khan et le Loup Bleu.
" Ah non ! Pas Kokotchou !!! "
Kokotchou est un adorable et insupportable terrier du Tibet, acheté par un prof d'université en sevrage tabagique, et adulé par sa femme, Miléna, photographe. Kokotchou n'est qu'un chiot. Il mord les bas de pantalons, se laisse poupougner avec délectation et grogne après les facteurs…jusqu'à ce que des cadavres commencent à apparaître dans le jardin de ses maîtres et que le petit Koko se transforme en Loup Bleu, réincarnation d'un chaman assassiné par le terrible Gengis Khan. Jérôme et Miléna se retrouvent soudain entourés de fantômes et de psychopathes venus des siècles passés, tous réincarnés dans leurs proches et bientôt…par eux même.
Bien bien bien…
Malgré un début difficile, des phrases un rien ampoulées et des personnages marqués par la caricature, le roman décolle rapidement et bien ! On excusera donc facilement les formules parfois inutiles, placées pour " le bon mot " et les dialogues parfois un rien empruntés (de jolies tentatives argotiques qui ne sont pas dans le genre de l'auteur). On s'attache facilement à ce grand universitaire dégingandé, à Miléna, sa femme intrépide et blessée et à Koko, l'affreux et tyrannique chiot. Leurs rapports rappellent la légèreté et la tendresse de Pennac, mais qu'importe la référence ! L'intrigue est très bien menée et si elle frôle parfois l'incohérence, elle n'y tombe jamais vraiment: talent réservé aux bons, aux maîtres, à ceux qui nous feraient gober n'importe quoi.
Jeanne Faivre d'Arcier n'en est d'ailleurs pas à son premier roman, ceci expliquant peut être cela. Gengis Khan et le Loup Bleu (un titre qui pourrait figurer dans le catalogue jeunesse, soit dit en passant) est son sixième livre, après, entre autres, L'ange blanc s'habille en noir (roman noir, ed. l'Atalante), l'Ecume de l'espoir (même éditeur) et la Déesse Ecarlate (ed.Pocket, Prix Ozone 1998).