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La lagune des mensonges

François Darnaudet ( Auteur), Grillon (Illustrateur de couverture)
Aux éditions : 
Date de parution : 31/08/04  -  Livre
ISBN : 1932983279
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Eric   - le 20/09/2018

La lagune des mensonges

Deuxième titre paru chez la toute jeune collection Rivière Blanche de Philippe Ward, voici donc l'occasion de retrouver François Darnaudet, qui nous manquait depuis la sortie l'année dernière des Dieux de Cluny. Amoureux d'une Littérature Populaire qui souffre bien des majuscules aux deux mots, il n'est pas étonnant de le retrouver embringué dans ce pari dingo : une édition luxe de romans se revendiquant comme rigoureusement nostalgique des grands classiques du Fleuve des années 70, parfois un peu nanaresque, toujours très clin d'œil, et vendu presque uniquement par correspondance.

Bref une idée risible d'un strict point de vue comptable, donc éminemment sympathique. D'ailleurs c'est à peine si Ward lui-même ose encore prononcer le mot "bénéfices". Nous sommes donc là entre gens qui veulent se faire plaisir, alors allons-y.

Détective de l'étrange à Bordeaux

Tout commence pour Tom, détective de l'étrange bordelais et ci-devant employé de l'agence HPL, lors d'un levage de petit cul au Salon de la BD d'Angoulême. Lui qui a toujours préféré passer par la porte du jardin, use d'un subterfuge d'arrière-cour pour subvertir Dominique, un jeune étudiant en math fan de Bob Morane. Coup de foudre torride, et coup de tête de Tom qui propose au débotté au jeune homme une escapade romantique à Venise. Le temps d'enfourcher sa moto, et voilà notre héros et son amant sillonnant à fond de train les routes de Camargue, direction Menton et la frontière italienne.

Et soudain, c'est l'accident. La moto se couche sur une plaque de gravier, envoyant les deux hommes dans le fossé. Indemnes tous les deux, ils n'en sont pas moins surpris de se retrouver nez à nez avec un étrange petit homme tout de kaki vêtu qui transmet à Tom l'invitation d'un mystérieux Docteur Bissolatti qui semble tout savoir de lui. Tom et Dominique doivent se rendre d'ici trois jours aux Fondamenta Nuove à Venise, où l'on viendra les chercher.

Arrivés sur les lieux du rendez-vous sans avoir pu prévenir Ramsay, l'irascible patron de l'agence HPL, ils constatent qu'ils ne sont pas seuls. Attendent aussi un homme en noir d'allure sinistre, un vieil homme en trench coat et double casquette à visière, et une jeune femme bien trop veuve pour ne pas être suspecte. Autant de silhouettes aux trop évidents relents de mystères pour qu'un détective de l'étrange de la trempe de Tom ne décide de s'en mêler.

Artisanat

La lagune des mensonges est en fait un inédit de l'agence HPL, une série qui avait vue le jour sous les auspices des éphémères éditions DLM sous la direction littéraire de Francis Valéry. Le présent épisode avait fait les frais du dépôt de bilan de son éditeur, et à lui seul il résume bien la ligne éditoriale de Rivière Blanche. "Une littérature parfaite pour le métro" nous disait Philippe Ward, et c'est bien ainsi qu'il faut prendre ce livre clin d'œil érudit. François Darnaudet, en fin connaisseur, truffe son texte de références aux romans qui ont bercés sa jeunesse, et vous y croiserez en vrac l'ennemi juré d'un grand détective américain, un clone de Fantomas, des carbones de Bob Morane et de son fidèle Bill Ballantine, des Grands Anciens du mythe de Chtulu, un héros de Moorcock, etc. Et si vous êtes un habitué des conventions de SF francophones, vous pourrez même y reconnaître quelques figures du petit milieu des vieux de la vieille. Darnaudet en fait des tonnes, mais sait toujours où et quand arrêter les frais, et en vieux routard, évite les dérapages sur sol mouillé. Ainsi, La lagune des mensonges a le bon goût de ne pas dépasser les bornes, de ne pas mollir dans le rythme et vous assurera, au long de ses 110 pages, quelques trajets en métro agréables.

Qu'on ne s'y trompe pourtant pas, on est ici plus dans le domaine de l'artisanat que dans celui de l'amateurisme. En témoigne le soin apporté à la fabrication. Tout, du look soigneusement old school de la couverture au beau papier crème, du choix de la typo élégante à l'excellente relecture nous montre que nous avons effectivement affaire à une édition luxe, qui contraste avec le format indubitablement branquignole de l'intrigue. Rivière Blanche n'est pas une tocade de quadras régressifs qui se gavent de gloubiboulga en regardant des vieux épisodes d'Autobus à Impériale. Au contraire, on est là en présence d'objets de collection, ce qui justifie le prix relativement élevé des ouvrages. En allant chercher des inédits d'auteurs reconnus, pour certains un peu oubliés comme P.J Hérault, Ward tente d'imposer une démarche originale dans le paysage éditorial du moment. Les amateurs du genre y retrouveront tout ce qu'ils ont pu aimer, et au final, puisque c'est pour se faire du bien, mieux vaut parier avec eux sur l'avenir que d'acheter la collec complète en DVD de Jacquou le Croquant. De toute façon lui j'ai jamais pu le blairer. Salaud de pauvre…

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