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L'Essence de l'Art

Iain Banks ( Auteur), Manchu (Illustrateur de couverture), Sonia Quémener (Traducteur), Jubo (Illustrateur interne), Arkady Knight (Préface)
Aux éditions : 
Date de parution : 28/02/10  -  Livre
ISBN : 9782843440977
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stephaneg   - le 31/10/2017

L'Essence de l'Art

Avec l'univers de la Culture, Iain M. Banks s'est imposé dès les années quatre-vingt comme un auteur de tête de file du space opera. Cet écossais né en 1954 a en effet écrit en l'espace de vingt-cinq ans un peu plus d'une vingtaine de romans, pour moitié sans l'étiquette science-fiction (seuls Le Seigneur des guêpes, Entrefer et Le Business ont été traduits en français parmi ceux-ci). L'autre moitié sont donc des ouvrages appartenant à l'Imaginaire et pour la plupart, au Cycle de la Culture (de Une forme de guerre écrit en 1987 à Trames en 2008).
Avec L'Essence de l'Art, Le Bélial' crée l'événement : le seul recueil de nouvelles de Iain Banks est enfin publié en France dans son intégralité.

Des nouvelles de science-fiction, et pas que dans l'univers de la Culture

En 1996, les éditions DLM faisaient paraître, dans leur collection Cyberdreams, L'État des Arts, traduction de la novella L'Essence de l'Art, extraite du recueil The State of Art paru en 1991 en Angleterre (réunissant des textes dont les premières parutions ont eu lieu entre 1987 et 1989).
Il a fallu attendre quinze ans pour que soit éditée l'intégralité de cet ouvrage en France. Intitulé L'Essence de l'Art, ce recueil paraît au Bélial' et contient, en sus de la novella précédemment citée, six nouvelles inédites dans l'hexagone et une nouvelle non inédite (Un cadeau de la Culture parue dans Galaxies n°1), qui prennent place, pour deux d'entre elles, au sein de l'univers de la Culture.

Des textes de qualité inégale

Lorsque le lecteur ouvre L'Essence de l'Art, il tombe sur la nouvelle La Route des crânes. Celle-ci « raconte » le trajet de deux hommes dans un chariot, sur une route pavée d'énormes crânes. Ce texte, qui semble avoir été écrit sur un coin de table par l'auteur, et auquel il a ajouté une pseudo-fin pour justifier son statut de nouvelle, entame le recueil de façon catastrophique.
Le lecteur ne trouvera pas plus satisfaction avec Fragment, qui est en fait une lettre d'un père à son fils, écrite dans un avion. Cette autre nouvelle, qui n'a d'intérêt que dans ses deux dernières lignes, donne l'impression au lecteur d'avoir perdu son temps en la parcourant.

Les choses s'améliorent un peu avec Curieuse jointure – rencontre atypique entre deux membres d'espèces en tous points différentes –, Nettoyage – où une civilisation extraterrestre avancée vient par erreur jeter ses déchets sur Terre – et Éclat – le récit de la fin de l'humanité au travers de fragments d'enregistrements audio. Iain M. Banks s'y rattrapent grâce à un humour tantôt noir, tantôt cynique, et des personnages extraterrestres délirants. L'auteur écossais montre qu'il a des idées et de l'humour, mais ne convainc pas de son talent à écrire de courtes histoires de qualité.

Reste deux nouvelles qui se déroulent dans l'univers de la Culture et qui font remonter le niveau global du recueil.
Avec Un cadeau de la Culture Banks met en scène un citoyen de sa civilisation utopique, expatrié sur une planète dont la population est entré en contact avec la Culture sans avoir encore été assimilée. Le personnage est chargé de force par une organisation terroriste locale d'abattre un vaisseau spatial au moyen d'une arme fabriquée par la Culture et que seul un de ses citoyens peut faire fonctionner.
Dans Descente, c'est un autre Culturien que Banks nous présente. Naufragé sur une planète en compagnie de son scaphandre intelligent, il va devoir cohabiter avec la machine.
Iain Banks met donc avant tout en scène, dans chacun de ces textes, des personnages qui en font l'intérêt. Pour le premier, c'est une femme devenue un homme – ce qui est courant au sein de la Culture – rattrapée par une origine culturienne qu'elle a cherché à fuir ; dans le second, un citoyen ébranlé par une situation qui l'éloigne considérablement du confort de son orbitale. À chaque fois, Banks fait mouche avec ses personnages. Il réussit nettement mieux, toutefois, avec le deuxième texte dans l'établissement d'une ambiance digne d'intérêt. Descente jouit notamment d'une fin à chute saisissante.

Une novella qui nous réconcilie avec le Banks que l'on connaissait

Nous l'avons vu, les nouvelles de L'Essence de l'Art sont décevantes. Iain Banks, avec ses romans du Cycle de la Culture notamment, nous a habitué à bien mieux que les textes réunis dans ce recueil. Toutefois, la novella qui donne son nom à ce dernier, récit de plus grande longueur, permet au lecteur de se réconcilier avec l'auteur écossais.

Sma Diziet est un ancien agent de Contact. Elle raconte la mission de l' Arbitraire et de son équipage sur Terre, en 1977. En effet, dans les années soixante-dix, il apparaît que cet UCG a visité la planète bleue, l'explorant de fond en comble, étudiant tous les aspects des civilisations qui la peuplent, afin de déterminer de la pertinence d'entrer en contact avec ses habitants. En réalité, Diziet raconte plus exactement l'affaire Dervley Linter, du nom de l'agent de Contact qui va décider de rester sur Terre, au milieu de ses habitants, et donc abandonner la Culture, ce qui n'est pas sans poser des problèmes et contrarier Arbitraire.
L'Essence de l'Art est l'occasion pour Iain Banks de faire un bilan relativement objectif de notre espèce, par les yeux de citoyens de la Culture, société utopique. D'un côté, il utilise Diziet, qui craint que les Terriens ne se détruisent, en même temps que leur planète, en la polluant petit à petit, ou plus brusquement dans un holocauste nucléaire qui concluerait une probable Troisième Guerre Mondiale. De l'autre, il met en scène Linter, qui loue l'insouciance humaine, l'inventivité d'une espèce qui a encore une marge de progression considérable, comparé à une Culture qui stagne littéralement au sommet de la perfection technologique et sociale.
Tout cela, Banks le fait toujours au moyen de protagonistes authentiques, humains et attachants – grâce à l'anthropomorphisme qui caractérise souvent ses personnages, cela dit – et un certain humour. Iain Banks remet surtout en cause l'image de la Culture en montrant ses paradoxes. Le lecteur qui connaît bien le Cycle de la Culture remarquera la cohérence de la saga. Ainsi, le récit de la Culturienne est traduit en anglais par le drone Skaffen-Amstikaw, la machine qui n'est autre que le narrateur du roman L'Usage des armes – livre qui paraîtra une année après L'Essence de l'Art. Iain Banks signe surtout un texte à la hauteur de ses romans, qui prouve qu'il a besoin d'espace pour développer ses récits, ses personnages, et déployer son talent.

Banks, romancier avant tout

L'Essence de l'Art est donc un livre décevant, d'une qualité globale plutôt faible. C'est le seul recueil de nouvelles de Iain Banks paru à ce jour, peut-être parce qu'il en écrit peu. En effet, si l'auteur écossais est à l'avant-garde de la science-fiction anglo-saxonne contemporaine, aux côtés de Wilson, Egan, Baxter ou Sheppard, ce romancier de talent apparaît comme un piètre écrivain de nouvelles.

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